Une mère et son fils font équipe au cégep

En 2021, La Presse a relaté le parcours de Loïc Bydal qui, atteint d’une maladie dégénérative rare, avait fait tout son secondaire à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Il s’agissait d’une première. Un « jeune homme formidable », une « leçon exceptionnelle de courage », « source d’inspiration, de détermination et de résilience » : Loïc n’avait pas laissé les lecteurs indifférents. Il poursuit sa route au cégep avec, toujours à ses côtés, sa mère.

Un pronom indéfini peut-il contenir tout l’amour d’une mère ? À la manière dont Anik Pilon emploie le « on » pour parler de ce que son fils et elle font au quotidien, force est d’admettre que oui.

« L’automne dernier, on avait un cours à 8 h le matin. Je me levais à 5 h, j’arrivais ici à 6 h, parce que ça me prend une heure pour préparer Loïc. Je partais à 7 h pour qu’on ait le temps de se rendre. Mais là, on a un super bel horaire ! »

Atteint du syndrome de Morquio, Loïc a besoin de soins constants. À sa majorité, il a déménagé de l’Hôpital de Montréal pour enfants, où on lui faisait l’école dans sa chambre, à un CHSLD de Lachine. Il étudie maintenant en techniques de l’informatique, à raison de deux cours par session.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Loïc Bydal

S’il a dû s’habituer à vivre en CHSLD, il a aussi dû apprendre à retourner à l’école.

« Il a fallu que je m’habitue au rythme, à me déplacer et à attendre d’être de retour à la maison si je veux me reposer. Ce sont des choses que je n’avais pas vécues depuis le primaire », dit Loïc.

Le primaire, là où tout a basculé pour la famille : Loïc a dû subir une trachéotomie, est devenu paraplégique, n’est plus jamais rentré à la maison.

Mais voilà que Loïc approche de la vingtaine et va maintenant au cégep, comme bien d’autres.

Anik Pilon est-elle là chaque fois qu’il a un cours ? Elle rit de bon cœur, ne répond pas.

« Oui », dit Loïc.

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Le matériel que Loïc utilise dans le cadre de ses cours a dû être adapté.

« Je suis les mains de Loïc », explique Anik. Dans un récent cours, c’est elle qui a tenu le tournevis pour monter et démonter un ordinateur. Son fils lui donnait les instructions.

S’il devait y avoir une urgence médicale, que, « dans le pire des cas », la trachéotomie de Loïc s’obstruait, elle saurait quoi faire.

Ainsi, tous les cours sont faits à deux. « Ils » ont aimé leur prof de philosophie, l’an dernier.

« Combien de fois j’ai pleuré ? »

Anik Pilon est aussi conductrice. La première année, c’est en transport adapté qu’ils allaient au cégep. Or, il y avait souvent des retards, si bien que mère et fils ont parfois dû attendre de longues heures pour faire le court trajet entre le cégep et le CHSLD. Des heures à tuer, pour à peine une vingtaine de minutes de route.

« Combien de fois j’ai pleuré ? », demande Anik à Loïc.

« Pas beaucoup », répond son fils.

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Loïc et Anik devant l’entrée principale du cégep André-Laurendeau

Plus tard, elle relatera cette fois où, face à un transport adapté qui n’arrivait pas, Loïc et elle sont retournés au café du cégep pour attendre. « Je suis allée au comptoir et j’ai dit : “Je vais prendre une bière” », dit-elle en riant.

L’attente est chose du passé. Loïc a maintenant son propre véhicule adapté, payé avec l’argent récolté grâce à une collecte de fonds organisée pour venir en aide à la famille quand il a déménagé à Montréal, il y a plus de 10 ans.

« Pouvez-vous l’écrire, que c’est l’Uniprix de Buckingham qui l’avait organisée ? », demande Anik Pilon. Aujourd’hui, dit-elle, « l’élan de générosité de la communauté fait partie intégrante du cheminement scolaire » de son fils.

« Je n’ai pas de backup »

Jusqu’à tout récemment, Anik Pilon était enseignante suppléante en Outaouais, d’où la famille est originaire. Depuis que Loïc est au CHSLD, elle vit à Montréal et travaille dans une SAQ. En plus de son travail, elle accompagne son fils au cégep quatre jours par semaine.

« Si ma mère est malade, je n’ai pas de backup », dit Loïc, non sans emprunter au langage de son domaine d’études.

Quand son fils va quelque part, Anik Pilon doit être présente, mais assure qu’elle n’est pas « une mère castrante ». « Il a 19 ans. Je ne gère rien, c’est lui qui choisit ses affaires », dit-elle.

Loïc gère ses affaires, mais aussi celles des autres : il est trésorier de l’association étudiante du cégep André-Laurendeau. Son président, Charles Claver, passe justement par hasard dans le stationnement de l’établissement.

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Anik et Loïc croisent Charles Claver, président de l’association étudiante, à leur arrivée au cégep.

« Loïc s’est présenté aux élections et on s’est rencontrés quand il a été élu », raconte Charles. « Quand on parle d’argent, Loïc est carré dessus », rigole-t-il. L’association étudiante, dit Loïc, l’a aidé à se faire des amis. Et oui, sa mère doit l’accompagner aux partys.

Le cégépien est aussi membre de PolyOrbite, une société technique de Polytechnique Montréal. « On participe à des compétitions nationales sur des technologies spatiales », explique Loïc. L’école de génie est dans sa ligne de mire.

Sa mère dit qu’elle chérit les moments passés avec lui. « Je n’aurais pas voulu que ma mère m’abandonne », dit-elle pour expliquer son dévouement.

Par un bel après-midi de mai, Anik Pilon est assise dans une classe sans fenêtre. À son côté, Loïc effectue un exercice de programmation.

Leur session de cégep est presque terminée.

Lisez l’article « Un premier diplômé de l’Hôpital de Montréal pour enfants »