Le directeur général d’une résidence pour personnes âgées de l’Est de Montréal est accusé d’avoir facturé au réseau de la santé de faux services, notamment des bains et des toilettes, pour des patients qui étaient absents de son établissement. Selon un témoignage recueilli par la police, personne au CIUSSS ne vérifiait si les services étaient bien rendus avant de payer.

L’affaire découle d’une enquête menée depuis un an par l’Unité permanente anticorruption (UPAC). La police avait d’abord été alertée en mars 2022 par le Protecteur du citoyen, qui avait obtenu des informations sur la résidence Les Jardins de Jouvence de Montréal, un établissement privé d’une soixantaine de places situé dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.

Selon des documents d’enquête déposés au palais de justice de Montréal, une témoin aurait découvert des malversations dans la comptabilité de la résidence. Le directeur général, Paul Asselin, aurait facturé au CIUSSS de l’Est-de-l’île-de-Montréal des bains, des toilettes et de l’aide au repas pour certains patients, alors que ceux-ci ne recevaient rien de ces services et n’étaient même plus présents dans l’établissement.

Les dépenses facturées font effectivement partie des services aux résidants qui peuvent être remboursés par le réseau de la santé en vertu d’une entente avec les résidences privées pour aînés. La dénonciatrice qui a alerté les policiers a toutefois expliqué que le CIUSSS ne faisait à peu près aucune vérification avant de payer les factures envoyées par la résidence, à même les fonds publics. Le directeur général n’avait donc aucun mal à se faire payer des services fictifs.

Pour compenser un loyer trop bas

« La fraude est estimée à plus de 4000 $ », affirme l’UPAC dans un communiqué. Les gestes se seraient déroulés sur une période d’un an entre 2021 et 2022, selon l’acte d’accusation.

Dans un des cas, M. Asselin aurait expliqué devant témoin qu’il facturait des bains pour une résidante qui avait quitté la résidence, afin de compenser le fait qu’elle ne payait pas assez cher lorsqu’elle habitait sur place. « Vu que je n’ai pas réussi à avoir une augmentation de son loyer, je lui facture des bains », aurait-il déclaré à une témoin, selon une déclaration assermentée d’une sergente-détective déposée à la cour.

Paul Asselin est accusé de fraude ainsi que de production et usage de faux documents. Il doit comparaître devant un juge le 31 mai.

Un processus pour vérifier les factures

Christian Merciari, adjoint au PDG du CIUSSS, n’a pas voulu commenter le cas précis de M. Asselin, mais a déclaré mercredi que des mesures existent déjà pour vérifier les services facturés par les résidences privées. Celles-ci seront par ailleurs renforcées sous peu, dit-il.

« Actuellement, et de façon générale, notre processus de vérification est effectué par l’intervenant pivot lié à chacune des ressources avec lesquelles nous faisons affaire. Ces intervenants pivots connaissent bien la nature des soins donnés dans chaque ressource et qui nous sont facturés. Celles-ci sont validées en fonction des informations disponibles », affirme le porte-parole.

« Ce processus d’ailleurs est en cours de révision afin de le renforcer et pour nous assurer d’un contrôle accru sur notre démarche de paiements de factures qui émanent de nos partenaires. Notre objectif ultime est de s’assurer que les soins facturés correspondent à des soins qui sont prodigués de façon vérifiable dans nos ressources partenaires », dit-il.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse