La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ne rembourse pas de médicaments destinés à la perte de poids, dans aucune circonstance, même s’ils sont autorisés par Santé Canada. Des médecins déplorent que ces traitements coûteux ne soient pas couverts pour des patients qui en auraient besoin, notamment pour accéder à une opération ou une greffe.

« Dans certains cas, les médicaments pourraient aider, mais actuellement, on est pris parce que Santé Canada les autorise, mais le régime public ne les rembourse pas », dit d’emblée le DRémi Rabasa-Lhoret, endocrinologue et directeur du Conseil professionnel de Diabète Québec.

Le DRabasa-Lhoret a récemment rencontré un patient souffrant de diabète de type 1 et nécessitant une greffe de pancréas. « Il fait sans arrêt des comas hypoglycémiques et est hospitalisé une cinquantaine de fois par année malgré un suivi spécialisé », indique l’endocrinologue.

Pour être admissible à la greffe de pancréas, son patient doit perdre cinq kilos, mais n’y arrive pas. Le DRabasa-Lhoret a donc envisagé le médicament Ozempic, initialement destiné aux personnes atteintes de diabète de type 2, mais qui se révèle efficace pour la perte de poids. Le médecin a fait une demande à la RAMQ, afin de couvrir les frais de ce médicament qui s’élèvent à environ 200 $ par mois.

Bien que le médicament soit approuvé au Canada pour le traitement des adultes atteints d’obésité, le régime public a refusé sa demande. « La RAMQ doit absolument évoluer. On fait vivre un enfer à ce patient et on a une solution », laisse tomber le spécialiste.

Québec refuse

Les médicaments qui traitent spécifiquement l’obésité sont automatiquement exclus de la couverture de la RAMQ. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, « beaucoup d’incertitude demeure encore » en ce qui a trait à ces médicaments, notamment « quant à l’ampleur des bénéfices et de leur maintien dans le temps », a déclaré à La Presse le directeur des communications, Robert Maranda.

Québec s’inquiète aussi des risques de dérives liés à la mauvaise utilisation des médicaments d’abord destinés au traitement du diabète, mais utilisés pour perdre du poids1. « L’usage inapproprié de médicaments favorisant la perte de poids fait actuellement l’objet de grandes préoccupations tant en Amérique du Nord qu’en Europe à un point tel que des enjeux d’approvisionnement sont soulevés pour les patients atteints de diabète », dit M. Maranda.

Les spécialistes sont conscients de ces risques.

Ce ne sont pas des médicaments que l’on essaie en première ligne, certainement pas. Ils doivent être prescrits au bon patient et pour la bonne utilisation.

La Dre Marie-Philippe Morin, spécialiste en obésité et en médecine métabolique

À l’heure actuelle, seuls l’Australie, l’Angleterre, le pays de Galles et l’Irlande du Nord remboursent ces médicaments pour la perte de poids dans des circonstances précises, tandis que la France et les États-Unis se penchent sur la question.

Permettre des exceptions

Selon la Dre Marie-Philippe Morin, la RAMQ devrait permettre des exceptions.

L’Ozempic a mauvaise presse à cause des jeunes sur TikTok et des vedettes d’Hollywood qui perdent du poids magiquement, mais nous, ce qu’on voit, ce sont des patients avec des obésités extrêmes qui en ont besoin pour avoir une greffe ou une opération du genou, abdominale ou bariatrique.

La Dre Marie-Philippe Morin, spécialiste en obésité et en médecine métabolique

Un récent rapport de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) publié en octobre va dans le même sens. « Les cliniciens consultés identifient un besoin pour les personnes qui doivent perdre du poids afin qu’elles soient admissibles à une chirurgie bariatrique ou à une autre intervention chirurgicale qui pourrait améliorer de façon importante leur santé et leur bien-être », peut-on lire dans le rapport.

Ces médicaments devraient toutefois être utilisés conjointement avec la modification des habitudes de vie, des changements de l’alimentation, de l’activité physique et des interventions comportementales, notent les experts. Le patient devrait également être suivi par une équipe multidisciplinaire, composée notamment de nutritionnistes et de kinésiologues.

1 Lisez l’article : « Pour traiter le diabète… ou perdre du poids »