Un nouveau médicament inquiète des professionnels de la santé

Après Ozempic, un nouveau traitement contre le diabète fera son arrivée au Canada : le Mounjaro. Ce médicament est déjà très recherché aux États-Unis, mais son usage détourné pour perdre du poids vite soulève des préoccupations.

Le médicament Ozempic, autorisé au Canada en 2019, est vite devenu un outil de choix pour traiter les personnes souffrant de diabète de type 2. « C’est un très bon médicament pour les patients diabétiques », lance Pierre-Marc Gervais, directeur principal des services pharmaceutiques à l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

Or, le traitement s’est aussi démarqué pour ses capacités à faire perdre du poids. Dans les derniers mois, des vedettes, dont Elon Musk, ont vanté les bienfaits du médicament sur les réseaux sociaux, tandis que le mot-clic « Ozempic perte de poids » compte plus de 344 millions de visionnements sur TikTok, au grand désarroi des professionnels de la santé.

Désormais, le Mounjaro, un nouveau traitement visant aussi à traiter le diabète de type 2, perce le marché américain et semble entraîner des pertes de poids jusqu’à deux fois plus grandes qu’avec Ozempic, indique le DRémi Rabasa-Lhoret, endocrinologue et directeur du Conseil professionnel de Diabète Québec.

Ce médicament injectable a été autorisé le 8 mars dernier par Santé Canada pour les personnes atteintes du diabète de type 2. Il n’est toutefois pas disponible actuellement pour les Canadiens. « La compagnie qui le fabrique dit que la demande est tellement forte ailleurs dans le monde qu’ils ne sont pas en mesure, à ce moment-ci, d’approvisionner le Canada », dit M. Gervais.

Une utilisation croissante

L’Ozempic et le Mounjaro ont été conçus pour mimer l’action des hormones produites par le système digestif. « À la base, ils sont créés pour aider à contrôler le taux de sucre dans le sang chez les patients atteints de diabète de type 2 », explique M. Gervais.

Les médecins le recommandent de plus en plus pour les patients diabétiques chez qui les autres traitements ne se sont pas avérés efficaces. À la fin 2022, 35 000 Québécois utilisaient le médicament Ozempic chaque mois, selon les chiffres de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) obtenus par La Presse. C’est 10 000 de plus qu’en 2021.

Ces médicaments affectent aussi la zone du cerveau responsable de la satiété, ce qui entraîne une perte de poids, explique la Dre Marie-Philippe Morin, spécialiste en obésité et médecine métabolique.

Voyant son impact sur la perte de poids, l’entreprise Novo Nordisk, qui fabrique l’Ozempic, a mis sur le marché le même produit, sous un nom différent (Wegovy) et ayant une dose plus élevée, destiné à la perte de poids. Ce médicament, offert aux adultes obèses ou en surpoids et ayant des comorbidités, a été autorisé par Santé Canada en 2021. Il n’est toutefois pas couvert par la RAMQ. De son côté, le Mounjaro n’est pas autorisé au Canada pour la perte de poids.

Des risques de dérive

Les experts s’inquiètent de voir que les entreprises pharmaceutiques semblent miser sur la perte de poids pour augmenter la vente de leurs produits. Sur le site de Mounjaro, on peut lire en grands caractères que « les personnes prenant Mounjaro ont perdu jusqu’à 25 livres ». Ensuite, on précise en petits caractères que le « Mounjaro n’est pas un médicament amaigrissant ».

« C’est une façon qui est utilisée pour stimuler la demande pour un médicament », soutient le pharmacien Pierre-Marc Gervais. « Pour quelqu’un qui est diabétique ou pas, en voyant ces résultats spectaculaires, ça peut être très tentant d’aller voir son médecin et de demander une ordonnance pour ce produit. »

« En ce moment, le Mounjaro annonce jusqu’à 25 livres de perte de poids », ajoute M. Gervais.

Mais ce qu’on ne dit pas, c’est que les gens, une fois qu’ils arrêtent de prendre le médicament, la plupart reviennent à leur poids initial.

Pierre-Marc Gervais, pharmacien

Ce type de publicité risque également « d’augmenter les troubles du comportement alimentaire », estime le DRabasa-Lhoret. « J’ai rencontré récemment une patiente qui a clairement une tendance vers l’anorexie qui m’a demandé ce médicament-là pour perdre du poids », illustre-t-il.

Le directeur du Conseil professionnel de Diabète Québec a prévu rencontrer dans les prochaines semaines les dirigeants de Novo Nordisk, fabricant de l’Ozempic. « On est mal à l’aise. On aimerait que la compagnie soit plus claire [quant au fait] qu’il y a des dérives actuellement », dit-il.

« L’inquiétude pour moi, là-dedans, comme professionnel, c’est qu’il y ait beaucoup de prescriptions pour la perte de poids et qu’on finisse par manquer de stocks pour nos patients diabétiques. Et eux en ont besoin en ce moment », renchérit M. Gervais.