(Ottawa) L’association qui représente les 36 corps policiers autonomes des Premières Nations au Canada soutient une plainte en matière de droits de la personne, qui allègue que le « sous-financement délibéré » du gouvernement fédéral pour assurer la sécurité publique dans ces communautés équivaut à de la discrimination.

Jerel Swamp, qui préside l’Association des chefs de police des Premières Nations, a déclaré qu’après avoir discuté de la plainte déposée par les chefs de police autochtones de l’Ontario – dont il est également membre –, l’exécutif de l’association nationale avait décidé de l’appuyer. Elle envisage également de solliciter le statut d’intervenant dans cette plainte à la Commission canadienne des droits de la personne.

Le chef Swamp a déclaré que malgré les assurances du gouvernement libéral du premier ministre Justin Trudeau selon lesquelles il adopterait des changements et déclarerait la police autochtone « service essentiel », rien n’a été fait.

« Ce que nous pensons, c’est que toutes les communautés des Premières Nations au Canada méritent la même sécurité publique que tous les autres Canadiens tiennent pour acquise », a mentionné M. Swamp en entrevue lundi.

La plainte, déposée la semaine dernière par les neuf corps policiers autochtones de l’Ontario, met en cause le programme de 1991 utilisé par le gouvernement fédéral pour financer ces services policiers, avec la participation des provinces.

Les dirigeants autochtones soutiennent depuis des années que ce Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits souffre d’un manque criant de ressources financières.

Une évaluation interne du programme, publiée l’année dernière par le ministère de la Sécurité publique, montre également que le « montant limité » de son budget a entraîné un sous-financement des accords de police, ce qui a créé des « défis opérationnels constants » pour les corps policiers autochtones.

Or, la plainte allègue que l’inaction du gouvernement fédéral équivaut à un « comportement discriminatoire délibéré » à l’encontre des communautés autochtones.

« En raison de la conduite discriminatoire du Canada, la mise en place de services de police équitables pour les communautés autochtones, comparables aux services de police et de sécurité que connaît le reste du pays, reste hors de portée pour les Autochtones du Canada.

« En termes simples et tragiques : la raison pour laquelle les Autochtones dans les réserves ne sont pas aussi en sécurité que les Canadiens non autochtones hors réserve est leur identité autochtone. »

40 000 $ par citoyen lésé

La plainte, déposée la semaine dernière et rapportée pour la première fois par le Globe and Mail, a été déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, ce qui constitue la première étape pour la faire atterrir éventuellement devant le Tribunal canadien des droits de la personne.

Le ministère fédéral de la Sécurité publique n’a pas encore répondu à une demande de commentaires. Les plaignants réclament 40 000 $ en dommages-intérêts pour les personnes vivant dans les communautés desservies par des corps policiers autochtones.

Le président des chefs de police autochtones de l’Ontario, Kai Liu, qui dirige également le Service de police du Traité 3, dans le nord-ouest de la province, a déclaré lundi qu’il fallait trouver une nouvelle formule de financement, basée sur les besoins réels d’une communauté plutôt que sur une somme soumise par Ottawa.

M. Liu soutient qu’Ottawa aborde les renouvellements de financement avec l’attitude « c’est à prendre ou à laisser », qui ne laisse aucune place à la négociation. Ces préoccupations ont également été signalées lors de l’examen ministériel du programme, l’an dernier.

« Nous surveillons 23 communautés des Premières Nations, a déclaré le chef Liu en parlant de son service. Notre temps de réponse varie entre une heure et trois heures. »

La plainte évoque aussi les agressions multiples au couteau de l’année dernière dans la communauté crie de James Smith, en Saskatchewan, qui avait mis encore une fois en lumière la nécessité de renforcer la sécurité dans les communautés autochtones – des améliorations que le premier ministre Trudeau lui-même s’était engagé à apporter.

M. Trudeau et le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, avaient notamment promis de déposer un projet de loi faisant de ces corps policiers autochtones un service essentiel. Le gouvernement n’a toujours pas fourni d’échéancier, disant seulement qu’il consultait les différents intervenants.

Le chef de police Swamp a souligné qu’en septembre dernier, le ministre Mendicino avait déclaré qu’il travaillerait pour déposer le projet de loi d’ici la fin de l’automne 2022, ce qui ne s’est pas produit. Il a affirmé que la frustration grandissait parmi les chefs de police.

Le budget fédéral présenté la semaine dernière n’a pas non plus évoqué ce projet de loi.