(Ottawa) Malgré les grands reproches qui lui ont été récemment adressés, la GRC espère profiter de son 150e anniversaire pour stimuler le recrutement.

Dans son rapport publié la semaine dernière, la commission d’enquête publique sur la tuerie d’avril 2020 en Nouvelle-Écosse a torpillé la police fédérale pour ses nombreux échecs dans la façon dont elle a réagi à la pire fusillade de masse au Canada. Elle a recommandé au gouvernement fédéral de repenser le rôle central de la GRC.

Le rapport a été publié deux mois avant le 150e anniversaire de la GRC, le 23 mai.

Des documents obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi d’accès à l’information indiquent que la Police montée s’est préparée depuis l’été dernier à ce jubilé. Et elle ne compte pas ajuster ses plans à la lumière des récentes critiques.

Les diverses sections de la GRC prévoient organiser des rassemblements. La police fédérale a aussi commandé des milliers de cartes-souvenirs et des pièces de monnaie commémoratives pour ses membres.

Elle espère aussi convaincre Google de publier un dessin de la GRC sur sa barre de recherche. Elle compte également sur les ligues sportives comme la Ligue canadienne de football pour souligner l’anniversaire.

La GRC souhaite que cet anniversaire stimule le recrutement pour les deux prochaines années.

« C’est un moment important pour la GRC et notre pays. Les 156 ans d’histoire du Canada ne peuvent se raconter sans la contribution de la GRC au cours des 150 dernières années », peut-on lire dans un document.

Robin Percival, une porte-parole, dit que la police fédérale souhaite reconnaître son passé historique, célébrer ses membres et souligner sa modernisation. Elle compte aussi réaliser des progrès dans la réconciliation avec les peuples autochtones et souligner sa fierté envers ses membres.

Notre approche pour souligner notre 150e anniversaire est fondée sur quelques thèmes fondamentaux et quelques objectifs. Rien n’a été modifié à la lumière du rapport [de la Commission sur la tuerie de masse]. À titre d’organisation, nous avons collectivement des choses à apprendre du rapport. Nous continuerons de nous améliorer pour tous les Canadiens.

Robin Percival, porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada

Jeffrey Monaghan, un professeur de criminologie de l’Université Carleton, prédit que l’image de la GRC sera « romancées » au cours de son prochain anniversaire, à un moment où sa propre existence est en jeu.

Selon lui, vouloir rattacher l’histoire de la GRC à celle du Canada crée un obstacle aux réformes au sein de l’institution.

« Certaines personnes et certains aspects de l’organisation se sont très investis dans ce mythe romantique et bienveillant de la Police montée », lance-t-il.

Le Pr Monaghan déplore que la GRC soit devenue une grande « bureaucratique policière » qui s’occupe d’une foule de choses, de la sécurité nationale à s’assurer que les communautés nordiques ont accès à un tribunal.

Une des rares solutions est de demander à la GRC d’accomplir moins de missions.

La Fédération de la police nationale (FPN), le syndicat qui représente les agents de la GRC, n’a pas encore réagi directement à la recommandation de la commission d’abandonner le modèle actuel de formation de 26 semaines à Regina. Cette Académie d’entraînement serait remplacée par un modèle d’enseignement de trois ans, basé sur un diplôme, comme cela existe en Finlande.

Répondant à La Presse Canadienne sur le 150e anniversaire, le président de la FPN, Brian Sauvé, avait déclaré qu’il faut du temps pour régler les problèmes de recrutement. Il a fait cette déclaration avant la publication du rapport.

M. Sauvé soutient que la pandémie de COVID-19 a obligé la GRC à fermer plusieurs fois son académie, ce qui a retardé la formation des nouvelles recrues. Les agents ont un plus lourd fardeau sur les épaules puisque de nombreux policiers sont partis plus tôt à la retraite.

« On en demande plus et toujours plus à nos membres au cours de la dernière décennie », lance-t-il.

La situation a amené le syndicat à lancer sa propre campagne pour mousser l’intérêt d’une carrière au sein de la GRC, ajoute M. Sauvé.

Un rapport interne datant de 2020 souligne les problèmes de recrutement de la GRC. Il mentionnait également que la police fédérale éprouvait des difficultés à accroître la diversité au sein de la troupe. Seulement 4 % des candidats s’identifiaient comme autochtones. Un plus petit pourcentage de femmes présentaient leur candidature.

Natan Obed, le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, dit qu’il est difficile pour un Inuit de devenir un agent de police ou de travailler au sein de la GRC. Il rappelle que l’histoire de la police dans les communautés nordiques est « longue et compliquée ».

Il espère que le 150e anniversaire permettra à la GRC de s’occuper des écarts toujours existants. Et au lieu de se concentrer seulement sur les relations difficiles entre la GRC et les Inuits, la police fédérale pourrait profiter de l’occasion pour s’engager à « établir une nouvelle relation » et à éliminer le racisme systémique.

La cheffe de la direction de l’Association des femmes autochtones du Canada, Lynne Groulx, dit que la police fédérale devrait utiliser son anniversaire pour souligner la réconciliation et « ce qu’elle signifie pour la GRC ».

« Comment regagnera-t-elle la confiance des peuples autochtones ? Cette méfiance a pris du temps à naître. Rétablir la confiance prendra du temps. »