Six enfants canadiens sont sur le point de quitter un camp de prisonniers en Syrie et de prendre l’avion pour le Canada. Toutefois, ils seront séparés de leur mère, qui ne peut pas venir avec eux parce que les fonctionnaires fédéraux n’ont pas terminé l’évaluation de sécurité concernant cette Québécoise, prétendent des défenseurs de la famille.

Le gouvernement fédéral avait donné à cette femme jusqu’à ce dimanche pour décider si ses six enfants rejoindraient d’autres Canadiens sur le vol de rapatriement, qui devrait partir d’un jour à l’autre, ou resteraient avec elle en Syrie, a déclaré Alexandra Bain, du groupe Families Against Violent Extremism.

« Je suis choqué. Cela n’a aucun sens, a déclaré Mme Bain samedi en entrevue. Ce n’est pas comment je m’attends à ce que le Canada se comporte. »

Ces jeunes Canadiens figurent parmi de nombreux ressortissants étrangers dans les camps syriens dirigés par les forces kurdes, qui ont repris le contrôle de la région qui a été occupée par le groupe armé État islamique, aussi appelé Daech.

Les enfants, âgés de 3 à 16 ans, n’ont pas de famille au Québec, a déclaré Mme Bain, dont l’organisation aide les familles dont les proches sont pris dans des groupes extrémistes violents. Au moins deux des six enfants sont nés en Syrie. Il y a un plan pour que les agences de services sociaux du Québec placent les six enfants, en trois groupes de deux.

La mère, qui ne sait pas si, ni quand, elle sera autorisée à quitter le camp al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, s’inquiète de la façon dont elle maintiendra le contact avec ses enfants, selon Mme Bain.

« Elle fait ça pour ses enfants et elle a peur de faire la mauvaise chose. »

L’avocat Lawrence Greenspon, qui aide la famille, estime que « c’est un choix que tout parent ne devrait jamais avoir à faire ».

Mme Bain et M. Greenspon ont demandé que le nom de la femme ne soit pas publié en raison de la nature délicate de l’affaire et des préoccupations liées à la vie privée.

L’avocat a fait valoir devant la Cour fédérale, au nom de plusieurs hommes, femmes et enfants détenus en Syrie, qu’Affaires mondiales Canada doit organiser leur retour, affirmant que le refus de le faire viole la Charte des droits et libertés.

M. Greenspon a conclu une entente avec le gouvernement fédéral en janvier pour rapatrier 6 Canadiennes et 13 enfants qui avaient participé à la poursuite. On s’attend à ce que tous les 19 soient sur le vol de rapatriement imminent de la Syrie.

Il y avait de l’espoir que la Québécoise et ses six enfants, bien que ne faisant pas partie de l’affaire judiciaire, monteraient également à bord de l’avion ensemble.

M. Greenspon a déclaré que bien que les enfants aient été autorisés à quitter la Syrie, leur mère fait toujours l’objet d’une évaluation de sécurité fédérale.

Le fait de séparer une mère de ses enfants viole les engagements internationaux du Canada ainsi que la politique du gouvernement en matière d’évaluation des cas possibles de rapatriement, a déclaré M. Greenspon. « Leur propre cadre stratégique dit qu’ils ne devraient pas faire ça », souligne-t-il.

Interrogé sur l’affaire, un porte-parole d’Affaires mondiales Canada, Grantly Franklin, a déclaré dimanche que le Ministère continuait d’évaluer la possibilité de fournir une assistance conformément au cadre politique.

« Accepter ou demander le rapatriement de son enfant est une décision incroyablement difficile et qui doit être prise par le parent, et le parent seul, a-t-il déclaré dans une réponse écrite. Il est important qu’une telle décision soit éclairée par tous les faits disponibles. Pour des raisons de confidentialité et de sécurité opérationnelle, nous ne pouvons pas commenter davantage. »

Mme Bain a reçu une lettre d’Affaires mondiales datée du 24 novembre indiquant pourtant que la femme et ses six enfants répondaient aux critères d’aide fédérale aux Canadiens détenus dans la région, énoncés dans le cadre stratégique du gouvernement de janvier 2021.

La lettre faisait état de menaces contre la femme et ses enfants « compte tenu des conditions de sécurité dangereuses à l’intérieur du camp ». Il a également cité des rapports sur le déclin des conditions sanitaires et de vie, y compris d’éventuelles épidémies de choléra et l’accès intermittent à la nourriture et à l’eau potable.

Mme Bain a ajouté que la femme a été battue et agressée pendant sa détention.

Dans le cadre des procédures de rapatriement, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a récemment mené des entrevues avec des détenus canadiens en Syrie. Mercredi dernier, la Québécoise s’est entretenue avec les agents de la GRC, une expérience qu’elle a trouvée déroutante et terrifiante. Le lendemain, « ils lui ont dit qu’elle ne pouvait pas rentrer », a-t-on précisé.

Mme Bain est au courant de 10 autres enfants canadiens de mères non canadiennes en détention en Syrie. Ces mères ont décidé de ne pas envoyer leurs enfants au Canada dans le cadre de l’effort de rapatriement actuel, a-t-elle précisé.