Sa boîte à lunch à la main, un jeune garçon s’engage dans la traverse piétonne de la rue Lajoie pour rejoindre son école primaire. Au même moment, le conducteur d’un VUS exécute un virage à gauche en sa direction. L’enfant se fige sur place.

Un policier, qui remplace le brigadier scolaire ce matin, intervient, et le conducteur freine brusquement.

Ces interactions qui mettent en danger les enfants sur le chemin de l’école se produisent « tous les matins » devant l’école primaire Guy-Drummond, dans l’arrondissement d’Outremont, à Montréal, selon des parents.

Avec mes enfants, on a failli plusieurs fois se faire rouler sur les orteils. C’est le chaos ici. Les conducteurs ne semblent pas comprendre ni respecter la priorité des piétons, même lorsqu’il s’agit d’enfants qui sont en face de leur école.

Tanya Giannelia, mère de trois enfants qui fréquentent l’école

Mme Giannelia prenait part mercredi matin à la mobilisation nationale « Mettons fin à l’insécurité routière sur le trajet scolaire », qui réunissait des parents et des enfants d’une cinquantaine d’écoles au Québec, et des citoyens. Les parents réclament du gouvernement de François Legault un meilleur financement pour que des aménagements sécuritaires soient réalisés autour des écoles, notamment.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

À l’école Guy-Drummond, des enfants tapaient joyeusement sur des casseroles devant des dizaines de voitures et de VUS pour demander une meilleure sécurité. Tout près, le collège Stanislas, avec près de 3000 élèves, génère lui aussi beaucoup de déplacements en voiture, avec des automobilistes qui quittent l’avenue Van Horne pour s’engager dans des rues résidentielles et y causer des bouchons de circulation près des lieux d’arrivée des élèves à pied ou à vélo.

Des parents avaient invité les élus à venir constater les risques de collision. Laurent Desbois, maire de l’arrondissement d’Outremont, s’est déplacé pour donner son soutien aux parents.

« On veut mettre en place des aménagements qui séparent les piétons, les cyclistes et les véhicules, des aménagements qui rehaussent la sécurité, dit-il. On veut que nos enfants et nos citoyens se sentent en sécurité sur le chemin de l’école. »

Le maire et son équipe étudient la possibilité de rendre la rue Lajoie en sens unique, avec possiblement une piste cyclable. « Nous travaillons avec nos ingénieurs et Vélo-Quebec sur ce projet. Nous espérons réaliser un projet pilote dès cet été », dit M. Desbois.

Valérie Patreau, conseillère d’arrondissement à Outremont, a dit souhaiter que la rue Lajoie devienne un sens unique afin de réduire à la source les conflits potentiels avec les automobilistes. « Aussi, j’aimerais faire une place conviviale pour les humains sur la rue Dollard » entre l’école Guy-Drummond et le collège Stanislas, a-t-elle dit.

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, s’est quant à elle rendue à l’école Anne-Hébert, à Québec, où elle a pu parler avec des parents.

PHOTO FOURNIE PAR LE COLLECTIF PAS UN MORT DE PLUS

Une coorganisatrice du mouvement, Ann-Julie Rhéaume, et la ministre des Transports, Geneviève Guilbault

« J’ai senti une belle ouverture de sa part, explique Ann-Julie Rhéaume, une mère de l’école et coorganisatrice du mouvement. Cela dit, la ministre mettait beaucoup l’accent sur la présence policière et les radars photo. Ce qu’on demande, c’est d’aller à la source et d’aménager nos zones scolaires pour réduire naturellement la vitesse et les manœuvres dangereuses des automobilistes. »

Des parents prennent les devants

Yves Plourde, du Comité Mobilité et Sécurité de l’école Guy-Drummond, note que les parents doivent s’impliquer pour faire diminuer les comportements dangereux d’automobilistes en zone scolaire et rendre les déplacements actifs plus attrayants pour les familles.

Chaque matin, lui et d’autres parents se relaient pour assurer la sécurité autour de l’école. Ils enfilent leur veste fluorescente achetée en ligne et installent des cônes et des bollards fournis par l’arrondissement aux endroits où les automobilistes n’ont pas le droit de s’immobiliser autour de l’école.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Chaque mardi matin, Tanya Giannelia se poste devant l’école fréquentée par ses enfants avec sa pancarte qui demande aux automobilistes de faire attention à la vie des écoliers.

« Si on ne le fait pas, ces zones interdites sont automatiquement occupées par des conducteurs. C’est dangereux, mais quelle sera la conséquence ? Il y a cinq policiers affectés à la sécurité routière pour le territoire Outremont–Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce », dit-il.

C’est après qu’un automobiliste ayant grillé un arrêt obligatoire a freiné à la dernière seconde pour éviter de happer deux de ses enfants dans le quartier un soir l’automne dernier que M. Plourde a décidé de former un comité pour sécuriser les déplacements actifs autour de l’école.

On a un seul brigadier et ça ne suffit pas. Il faut pousser les élus et les fonctionnaires à faire de meilleurs aménagements. On est tous des parents occupés, on a des emplois et des familles, mais si on ne le fait pas, ça n’arrivera jamais.

Yves Plourde, du Comité Mobilité et Sécurité de l’école Guy-Drummond

Tanya Giannelia note que des solutions de rechange à la voiture sont accessibles dans le quartier. « On a une station de métro, on a des autobus, on a des pistes cyclables. Mais on dirait que les gens en voiture veulent tous se rapprocher le plus possible de la porte de l’école pour avoir à marcher le plus petit nombre de pas possible, même si ça fait augmenter le danger pour tous. »

La mort de la petite Mariia Legenkovska, une élève de 7 ans tuée par un chauffard en zone scolaire le 13 décembre dernier à Montréal, l’a particulièrement affectée.

Chaque mardi matin, Mme Giannelia se poste devant l’école fréquentée par ses enfants avec sa pancarte qui demande aux automobilistes de faire attention à la vie des écoliers.

« Je le fais à la mémoire de Mariia », dit-elle.