De la violence en ligne aux codes vestimentaires en passant par le droit à l’avortement, le droit à la sécurité et les droits des personnes trans et queer, quatre Québécoises de 20 ans et moins nous parlent de leur vision pour l’avenir des luttes féministes au Québec.

Faire entendre sa voix

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Marilou Laurin, 20 ans, est conseillère municipale à Brownsburg-Chatham, dans les Laurentides.

Marilou Laurin – 20 ans – Brownsburg-Chatham (Laurentides)

À 19 ans, Marilou Laurin est devenue la plus jeune élue du Québec en accédant à un poste de conseillère municipale à Brownsburg-Chatham, dans les Laurentides.

« Il y avait des statistiques alarmantes sur la participation des femmes et des jeunes en politique municipale », explique celle qui étudie aussi en science politique à l’Université d’Ottawa. « Ça m’avait vraiment frappée. Je m’étais dit que ça n’avait pas d’allure. J’ai décidé de me lancer pour représenter un peu mon âge et mon groupe. »

En 2021, elle remporte la course électorale, à sa grande surprise. Les questions féministes sont au cœur de ses réflexions, particulièrement la misogynie et la violence en ligne. « Sur les réseaux sociaux, on voit une montée de blagues misogynes, de l’objectification du corps de la femme, de la pornographie très violente, de la glorification d’influenceurs comme Andrew Tate [une personnalité masculiniste britannique récemment arrêtée pour trafic de personnes en Roumanie]. Et les gens ne reconnaissent pas que c’est dangereux et que c’est un problème grandissant », dénonce-t-elle, évoquant notamment les nombreux féminicides.

Le 8 mars est un symbole des luttes encore à mener, selon elle. « Il faut reconnaître qu’il y a encore beaucoup de travail à faire, que ce n’est jamais assez. »

Pour qu’aucune ne soit oubliée

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Kenza Chahidi, 20 ans, s’implique dans le collectif La voix des jeunes compte

Kenza Chahidi – 20 ans – Rive-Sud de Montréal

La question des violences sexuelles en milieu scolaire a mené Kenza Chahidi à s’impliquer socialement. « Je commençais le cégep et j’ai réalisé qu’aucune loi ne protégeait les jeunes au primaire et au secondaire de ces violences, se remémore-t-elle. Avec les scandales qui sortent constamment, on voit bien que c’est quelque chose qui persiste. »

Une constatation qui l’a amenée à s’impliquer dans le collectif La voix des jeunes compte, qui lutte contre ces violences sexuelles en milieu scolaire. Mais l’idée est aussi d’avoir plus de poids politique. « En tant que jeune, une lutte importante pour nous, c’est la représentativité, étant donné qu’on n’a pas un statut socio-économique aussi important », remarque-t-elle.

Toutes les femmes doivent être incluses dans les luttes féministes, peu importe leur réalité « sexuelle ou leur origine », poursuit Kenza. « C’est important de s’adapter à la réalité de chaque femme, parce que souvent, il y en a beaucoup qu’on laisse de côté », déplore-t-elle.

Et pour celles qui choisissent de parler, le soutien est primordial, renchérit-elle. « Ça peut toucher des sujets lourds à porter, donc c’est important de prendre en compte la santé mentale des femmes qui portent ces luttes-là. »

En solidarité avec celles d’ici et d’ailleurs

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Célestine Uhde, militante et étudiante en études anciennes à l’Université Laval

Célestine Uhde – 20 ans – Québec (Capitale-Nationale)

Le militantisme fait partie de l’histoire familiale de Célestine Uhde, étudiante en études anciennes à l’Université Laval. Dès son secondaire, elle s’implique dans diverses luttes sociales. Elle devient l’une des instigatrices des carrés jaunes, qui dénoncent le sexisme du code vestimentaire imposé aux filles dans les écoles québécoises. Le mouvement culmine par une motion à l’Assemblée nationale du Québec, en 2018, « saluant la mobilisation des filles ».

Étant elle-même autiste, queer et vivant avec des problèmes de santé mentale, Célestine devient très active sur les réseaux sociaux. Son but : diffuser des informations pour déstigmatiser ces questions.

Mais elle ne délaisse pas pour autant les sujets féministes. Le recul des droits des femmes à l’international l’interpelle particulièrement, notamment en Iran et en Afghanistan. « Il y a des femmes qui vivent en 2023 avec nous, qui ont les mêmes technologies, qui ont accès à TikTok, et qui n’ont pas le droit d’aller à l’université, ou qui n’ont pas le droit de se promener et qui sont tuées si leurs cheveux sortent du voile », s’alarme-t-elle, en évoquant son sentiment d’impuissance.

Autre sujet d’inquiétude : le droit à l’avortement, après le renversement de l’arrêt Roe c. Wade aux États-Unis il y a quelques mois. « On n’est plus censé, en 2023, se battre pour l’accès à l’avortement », tranche-t-elle.

Des luttes à mener, le poing levé

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Sao Brisson Spiriti milite pour faire plus de place aux victimes d’agression sexuelle dans le système de justice.

Sao Brisson Spiriti – 18 ans – Montréal

Pour Sao Brisson Spiriti – qui ne s’identifie à aucun genre et qui utilise les pronoms iel et elle –, la priorité est de faire plus de place aux victimes d’agression sexuelle dans le système de justice. « On n’est pas prises au sérieux, dénonce Sao Brisson Spiriti. Il faut presque que la personne se filme en train de vivre un traumatisme pour que ce soit valide. »

Des traumatismes et un parcours judiciaire qui ont mené au suicide de personnes que Sao connaît, de près ou de loin. « En tant que personne qui est née femme, qui est entourée de plusieurs femmes, de femmes trans, de femmes noires, le 8 mars est une date que je trouve parfois difficile, parce que ça me rappelle des gens que j’ai perdus. C’est une date de deuil et aussi une date d’espoir. »

Sao travaille actuellement dans une friperie montréalaise et s’implique dans le collectif punk et féministe Les Insoumises. Sao a plusieurs chevaux de bataille, comme l’accès gratuit à la contraception, aux produits d’hygiène féminine et la reconnaissance de « congés menstruels », comme l’Espagne l’a fait en février dernier.

Au final, le corps des femmes et des personnes LGBTQ+ leur appartient, rappelle Sao, qui dénonce aussi le slut shaming (intimidation des salopes) et la stigmatisation des travailleuses du sexe.

« Mon corps est sexualisé depuis des années, et j’ai juste 18 ans. Ce n’est pas correct et ce n’est pas normal. »

En savoir plus
  • 4 343 000
    Nombre de femmes au Québec en 2022
    source : Gouvernement du Québec
    45 195
    Nombre de femmes âgées de 20 ans en 2022 au Québec
    source : Gouvernement du Québec