Le parc de HLM du Québec se dégrade à grande vitesse, mais les sommes qui auraient dû servir à rénover les logements sociaux vétustes sont plutôt détournées par le gouvernement de François Legault pour financer de nouveaux projets, dénoncent les groupes de défense des locataires de HLM.

Plus de 40 % des 65 000 logements à prix modique de la province sont cotés D ou E, c’est-à-dire qu’ils ont besoin de travaux majeurs, soulignent la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ) et le Comité consultatif des résidents (CCR) de l’Office municipal d’habitation de Montréal.

Les deux organismes ont tenu une conférence de presse lundi dans le quartier Centre-Sud, devant un HLM barricadé depuis 2019, qui ne peut être rénové faute de fonds.

« C’est indécent que les locataires à faible revenu soient obligés de vivre dans des logements insalubres comme celui-ci, qui a dû être barricadé parce qu’il y avait trop de moisissures », déplore Patricia Viannay, organisatrice communautaire à la FLHLMQ.

Pendant que de plus de plus de logements deviennent inhabitables dans les HLM vieillissants, le financement gouvernemental alloué à leur réfection ne cesse de baisser : il est passé d’une moyenne annuelle de 352 millions entre 2015 et 2019, à 281 millions par année entre 2019 et 2022, selon la FLHLMQ.

  • La conférence de presse avait lieu dans le quartier Centre-Sud, devant un HLM barricadé depuis 2019, qui ne peut être rénové faute de fonds.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    La conférence de presse avait lieu dans le quartier Centre-Sud, devant un HLM barricadé depuis 2019, qui ne peut être rénové faute de fonds.

  • À Montréal, 75 % des 21 000 logements en HLM sont cotés D ou E (besoin de travaux majeurs). L’OMHM évalue ses besoins à 955 millions au cours des cinq prochaines années.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    À Montréal, 75 % des 21 000 logements en HLM sont cotés D ou E (besoin de travaux majeurs). L’OMHM évalue ses besoins à 955 millions au cours des cinq prochaines années.

  • Plus les rénovations se font attendre, plus elles coûtent cher, font remarquer les groupes qui défendent les locataires de HLM.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    Plus les rénovations se font attendre, plus elles coûtent cher, font remarquer les groupes qui défendent les locataires de HLM.

  • Pour l’immeuble de la rue Dufresne où la conférence de presse a eu lieu, les travaux étaient estimés à 271 000 $ en 2020, mais ils sont maintenant évalués à 438 000 $.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

    Pour l’immeuble de la rue Dufresne où la conférence de presse a eu lieu, les travaux étaient estimés à 271 000 $ en 2020, mais ils sont maintenant évalués à 438 000 $.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Pourtant, en octobre 2020, à la suite de la signature de l’entente Canada-Québec sur le logement, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, avait annoncé que 2,2 milliards serviraient à rénover les HLM jusqu’en 2028.

Mais cet argent a plutôt servi, en bonne partie, à financer de nouvelles unités, affirme la FLHLMQ après avoir épluché les rapports annuels de la Société d’habitation du Québec (SHQ) : 275 millions sont allés au programme AccèsLogis pour la construction de logements et seulement 49 millions ont effectivement été utilisés pour rénover des HLM.

« C’est scandaleux ! Comment le gouvernement a-t-il pu utiliser l’argent des HLM pour autre chose ? », s’emporte Robert Pilon, coordonnateur de la FLHLMQ.

« Peut-être que c’est plus glamour de couper un ruban pour un nouveau projet, mais les gens qui vivent dans des logements cotés D et E se sont fait voler des fonds qui devaient servir à améliorer leurs conditions, » s’insurge Mme Viannay.

400 millions par année

Son organisme demande à la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, un programme de rénovation des HLM de 400 millions par année, pour les cinq prochaines années, dont 200 millions pour l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM).

À Montréal, 75 % des 21 000 logements en HLM sont cotés D ou E. L’OMHM évalue ses besoins à 955 millions au cours des cinq prochaines années, pour éviter de devoir barricader d’autres immeubles, comme des dizaines dont l’accès est déjà interdit.

Plus les rénovations se font attendre, plus elles coûtent cher, font remarquer les groupes qui défendent les locataires de HLM. Pour l’immeuble de la rue Dufresne où la conférence de presse a eu lieu, les travaux étaient estimés à 271 000 $ en 2020, mais ils sont maintenant évalués à 438 000 $.

« Par son inaction, ce gouvernement est en train de mettre en péril un parc locatif extrêmement important qui a pris des décennies à construire », dénonce le député de Québec solidaire Andrés Fontecilla, qui participait à la conférence de presse en tant que porte-parole de son parti en matière de logement. « Il ne croit plus au logement social, il préfère mettre tout son argent pour les promoteurs privés qui supposément vont construire des logements accessibles. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Andrés Fontecilla, porte-parole de Québec solidaire en matière de logement

La députée Virginie Dufour, du Parti libéral du Québec, a souligné qu’il était « inquiétant » de voir le gouvernement abandonner ainsi le financement du logement social, qui devrait être considéré comme un investissement, selon elle.

« La CAQ se vante de faire des gains au fédéral, mais il serait temps qu’il utilise les sommes reçues au bon endroit, » a pour sa part relevé la porte-parole du Parti québécois Méganne Perry Mélançon.

Au cabinet de la ministre Duranceau, on promet que les 2,2 milliards prévus dans l’entente Canada-Québec seront entièrement utilisés d’ici 2028 pour la rénovation du parc de HLM.

« Il est vrai que des sommes ont été affectées temporairement au programme AccèsLogis, mais uniquement dans le but de ne pas perdre le financement fédéral en attendant le lancement d’un programme dédié à la rénovation des HLM, qui était une exigence de l’entente. Ce programme sera sous peu présenté au gouvernement pour autorisation », indique l’attaché de presse de la ministre, Philippe Couture, dans une réponse envoyée par écrit.

« Les fonds provenant de cette entente ont été engagés jusqu’ici dans les programmes AccèsLogis Québec et AccèsLogis Montréal afin de permettre de loger le plus de ménages possible. »

En savoir plus
  • 59,8 %
    Proportion des HLM québécois obtenant une cote entre A (très bon) et C (satisfaisant)
    SOURCE : Société d’habitation du Québec
    40,2 %
    Proportion des HLM québécois obtenant une cote de D (mauvais état) ou E (très mauvais état)
    SOURCE : Société d’habitation du Québec