(Québec) Les municipalités et les partis d’opposition dénoncent la décision du gouvernement du Québec d’enterrer le programme de construction de logements sociaux AccèsLogis. Ils estiment qu’un simple dégraissage administratif aurait permis de le rendre plus efficace.

« On ne pense pas qu’il fallait jeter le bébé avec l’eau du bain. Le programme souffrait de procédurite aiguë, mais le fond était bon et il l’est toujours », déplore en entrevue le président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Gaspé, Daniel Côté.

M. Côté réagissait à une sortie de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, qui a confirmé la fin d’AccèsLogis en entrevue avec La Presse. Elle déplorait « la lenteur » du programme, et pointait du doigt les promoteurs de projets de logements sociaux pour des délais de « cinq, six ou sept ans avant la première pelletée de terre ». « Des centaines de millions » sont aujourd’hui « gelés » sans que rien ne bouge sur le terrain, a-t-elle déploré. Son gouvernement est sous pression, puisqu’il avait promis en 2018 de construire 14 000 logements sociaux et qu’il en manque plus de 9000 pour atteindre cette cible.

Elle misera plutôt sur le programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), lancé il y a un an, qui prendra officiellement le relais lorsque Québec aura terminé de financer une bonne partie des 6652 logements qui sont toujours dans le pipeline d’AccèsLogis.

Mais le maire Daniel Côté ne partage pas l’analyse de la ministre. Il croit plutôt que les délais du programme étaient plutôt causés par le délai d’approbation des autorités. « Chaque délai provoque des retards. Et lorsqu’un projet prend du retard, il coûte plus cher à cause de l’inflation dans la construction. Il faut donc recommencer la demande », a expliqué M. Côté.

Dégraissage

Il se dit surpris de la décision de la ministre. « Les dernières discussions qu’on a eues, on pensait qu’on se dirigeait vers une refonte des programmes. On n’avait pas compris qu’on jetait AccèsLogis aux poubelles pour le remplacer par le PHAQ. On souhaitait un dégraissage. Du logement social, mais avec moins de bureaucratie », a-t-il expliqué. Il cite en exemple le « dégraissage administratif », qu’a fait Mathieu Lacombe au ministère de la Famille et qui permet au gouvernement Legault de créer plus rapidement des places en garderies.

M. Côté critique également le PHAC, qui coûte plus cher aux municipalités. « Théoriquement la mise de fonds est de 20 % des coûts totaux pour les villes. Dans la vraie vie on parle plus 40 %, car il y a un paquet de coûts non admissibles », a-t-il dit.

Il plaide également pour que l’on continue de construire des logements sociaux, et pas seulement des logements abordables, un message semblable porté par les partis d’oppositions.

« C’est l’abandon définitif du logement social au Québec »

« C’est l’abandon définitif du logement social au Québec », dénonce le député de Québec solidaire Andrés Fontecilla. « AccèsLogis était déjà sous respirateur artificiel, et là ils débranchent l’appareil ». Il croit que le gouvernement Legault fait une grave erreur.

« Le coût d’un logement social est basé sur la capacité de payer des locataires, tandis que le logement abordable est lié au prix du marché, et sera beaucoup plus élevé sans égard à la capacité de payer des ménages à faible revenu », déplore-t-il.

Même son de cloche au Parti libéral. La députée Virginie Dufour estime que le gouvernement Legault n’a jamais tenté de trouver des solutions aux problèmes de gestion d’AccèsLogis. « Le logement abordable l’est de moins en moins. Il monte avec le marché. Si le marché montre de 30 %, il va monter de 30 %. Ce qui n’est pas le cas d’un logement social, basé sur le revenu de la personne. On a besoin autant de logement abordable que de logement social. Il y avait des améliorations nécessaires qui auraient pu être possibles », affirme-t-elle.

Le péquiste Joël Arseneau va « juger l’arbre à ses fruits » mais est très sceptique sur la stratégie du gouvernement. Avec une mise de fonds très importante demandée aux communautés, il pense que le nouveau programme gouvernemental aura également de la difficulté à faire lever de terre des projets.