Québec veut « rationaliser » les dépenses en transport collectif et mettre sur pied un plan de financement sur cinq ans d’ici la fin de 2023. À la veille d’une « tournée de consultations » qu’elle souhaite entamer en mars pour « trouver des solutions » à la crise du financement dans l’industrie, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, prévient d’emblée que l’idée d’une nouvelle taxation semble peu probable.

« On va faire le tour et on va voir exactement quel rôle doit jouer chacun, parce qu’on met déjà tous beaucoup d’argent en transport collectif. Il faut voir s’il y a moyen de rationaliser les dépenses pour sortir de l’impasse budgétaire et avoir une meilleure prévisibilité », a expliqué la ministre Guilbault, lundi, en marge du 18déjeuner-bénéfice de l’organisme Trajectoire Québec.

D’ici mars, la ministre veut tenir une série de consultations auxquelles participeront plusieurs acteurs, dont les grandes villes, les communautés métropolitaines de Québec et de Montréal, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) et les sociétés de transport, pour ne nommer que ceux-là. « J’aimerais ça que cette année, on ait une entente », a dit l’élue.

Celle-ci ferme toutefois la porte à l’idée d’une nouvelle taxe, pour le moment.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Sur le fond, dans un contexte d’inflation où le coût de la vie augmente et les gens ont parfois de la misère à arriver, ajouter une nouvelle taxe, […] ce n’est pas notre premier choix, mais je ne veux pas décider à la place des élus.

Geneviève Guilbault, ministre des Transports

« Évidemment, le gouvernement fédéral, on s’attend à ce qu’il joue un rôle aussi », a-t-elle insisté, évoquant que la contribution d’Ottawa « varie souvent » dans les projets de transport collectif, alors que celle de Québec tourne en général « autour de 50-60 % ».

Selon Mme Guilbault, il y a toutefois un « momentum en ce moment » pour régler le problème une fois pour toutes. Depuis plusieurs mois, c’est toute l’industrie du transport collectif qui est dans une impasse. Au Québec, le manque à gagner risque d’atteindre les 900 millions d’ici cinq ans, les revenus provenant des usagers ayant fortement diminué durant la pandémie. Dans toutes les sociétés de transport, un consensus se dégage clairement : il faut diversifier les sources de revenus.

Bouger « dès cette année »

Sur place, le président du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal (STM), Éric Alan Caldwell, a salué l’annonce du gouvernement, en rappelant toutefois que la problématique doit être réglée « dès cette année ».

Là, la pandémie est finie et il faut regagner l’achalandage. Les gens reprennent l’autobus, l’auto, il y a un nouveau cycle qui commence, donc il faut saisir l’opportunité dès maintenant de hausser le financement du transport collectif.

Éric Alan Caldwell, président du C. A la STM

M. Caldwell, dont l’organisme traîne un trou budgétaire de 78 millions, se dit toujours « en recherche de revenus » supplémentaires auprès des bailleurs de fonds de la STM. « Les discussions ont encore lieu à ce niveau-là et on a encore espoir », a-t-il brièvement commenté, lundi, en disant avoir « hâte d’entamer les discussions » avec Québec.

Selon la STM, la hausse marquée de son manque à gagner, passé de 43 millions à 77,8 millions cette année, s’explique notamment par l’indexation de la rémunération et des services dans un contexte d’inflation, mais aussi par la hausse des coûts par déplacement et l’arrivée de dépenses « incontournables », comme l’entretien des trains AZUR.

Pas « juste une consultation »

Appelée à réagir, la présidente de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon, a quant à elle parlé lundi d’une « bonne nouvelle ». « Ce qu’on veut maintenant, c’est que ça ne soit pas juste une consultation, que ça mène à des résultats concrets », a-t-elle soulevé, en rappelant que le problème n’est toujours pas réglé malgré la tenue récente du Forum de la Politique de mobilité durable du gouvernement.

« Notre liste d’épicerie sera longue », a-t-elle promis à la veille des consultations annoncées par la ministre des Transports. Mme Doyon a appelé les gouvernements à assurer un service de transport collectif « fiable, fréquent et attrayant ».

On veut des transports collectifs qui n’ont pas besoin de déborder pour qu’on puisse boucler le budget. En ce moment, on coupe dans les services et on abandonne nos organisations de transport collectif. Et en faisant ça, ce sont les usagers qu’on laisse tomber.

Sarah V. Doyon, présidente de Trajectoire Québec

« Il faut oser développer en permanence sans devoir se dire que ça coûte trop cher. Il faut arrêter de voir le transport collectif comme une dépense, mais plutôt comme un investissement, et surtout un bon investissement », a conclu Mme Doyon.

Le critique solidaire en transports, Etienne Grandmont, a de son côté dénoncé la mauvaise gestion du gouvernement dans ce dossier. « La ministre Guilbault doit arrêter de nous faire perdre du temps et de l’argent, elle a déjà toutes les informations et les rapports sur sa table. C’est gênant : elle fait un discours en grande pompe pour annoncer quelque chose qui a déjà été réalisé par son gouvernement : la tournée régionale sur le financement de la mobilité s’est déroulée de 2019 à 2021 », a-t-il illustré.