L’organisme déplore l’« hécatombe » dans les rues de la province

Dénonçant l’« inertie » du gouvernement provincial alors qu’explose le nombre de Québécois tués ou gravement blessés lors de déplacements à pied ces dernières semaines, l’organisme Piétons Québec demande à rencontrer le premier ministre François Legault et la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, pour discuter des pistes de solution.

« Pas moins de 14 piétons ont été happés et blessés gravement ou mortellement au Québec au cours des deux dernières semaines », a dit Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec, dans un point de presse lundi matin devant les bureaux montréalais du premier ministre, rue Sherbrooke Ouest. « La réaction populaire des derniers jours le démontre : on ne peut plus traiter les décès des piétons comme faisant simplement partie des règles du jeu. »

La directrice générale s’exprimait six jours après la mort tragique de la petite Mariia Legenkovska, réfugiée ukrainienne de 7 ans happée mortellement mardi dernier par un automobiliste dans une zone scolaire alors qu’elle se rendait à l’école Jean-Baptiste-Meilleur, dans le Centre-Sud.

Sa mort a provoqué un élan de solidarité avec sa mère, Galyna Legenkovska, qui a deux autres enfants et qui travaille dans un hôtel de la métropole. Une page Gofundme a permis de récolter plus de 150 000 $ jusqu’ici pour la famille, dont le père, qui était resté en Ukraine pour participer à l’effort de guerre, vient de rejoindre sa famille à Montréal.

Consultez la page Gofundme

Des collisions graves et mortelles impliquant le conducteur d’un véhicule automobile et un piéton ont eu lieu ces dernières semaines à Laval, Sherbrooke, Montréal, Matagami, Saint-Basile-le-Grand et Joliette, notamment. « Parmi ces personnes, 8 sont décédées, dont 1 enfant et 4 personnes âgées », note Piétons Québec.

Piétons Québec a calculé que 650 personnes se déplaçant à pied ont été tuées au Québec au cours de la dernière décennie, tandis que 27 000 autres ont subi des blessures. « C’est une hécatombe, a dit Mme Cabana-Degani. Tous les Québécois devraient avoir le même droit de revenir en vie à la maison, peu importe leur mode de transport, peu importe où ils habitent. »

Le pouvoir à Québec

L’organisme dit interpeller le premier ministre car la sécurité des citoyens les plus vulnérables sur le réseau routier est d’abord entre les mains des élus provinciaux.

« C’est à Québec que se déterminent les normes d’aménagement du réseau routier municipal comme national, qui actuellement ne tiennent pas compte des besoins des piétons ; c’est à Québec que l’on pourrait décider que la limite de vitesse de base est de 30 km/h en milieu urbain, au lieu du 50 km/h actuellement ; c’est à Québec que l’on décide que sur les rues principales numérotées, la fluidité de la circulation motorisée prime sur la sécurité des gens qui vivent dans le secteur ; c’est à Québec que l’on planifie les grands projets autoroutiers qui ont un impact sur la circulation dans les milieux de vie », a noté Mme Cabana-Degani.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec

À ce sujet, de nouveaux maires et mairesses au Québec veulent apaiser la circulation automobile et sécuriser les déplacements à pied sur leur territoire, mais réalisent rapidement que les normes du ministère des Transports ne tiennent pas compte des besoins des usagers de la route les plus vulnérables, dont les piétons, selon l’organisme, qui demande leur mise à niveau.

Pour faire cesser les collisions, plusieurs organisations internationales recommandent aussi aux élus d’adopter une politique de rue complète (complete street en anglais), qui consiste à aménager des rues sûres et agréables pour tous les usagers, qu’ils soient jeunes, âgés, à mobilité réduite, et ce, peu importe le mode de transport choisi.

Contrairement à la Ville de Montréal et à la Sûreté du Québec, notamment, le ministère des Transports n’a toujours pas annoncé son plan d’adhésion à Vision Zéro, approche internationale qui vise à éliminer les collisions mortelles en s’attaquant à leurs causes d’ici 2040.

La SAAQ évolue

La Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) fait depuis des années des campagnes afin de sensibiliser les automobilistes à la présence de piétons sur la voie publique. Longtemps critiquées pour leur tendance à blâmer la victime, ces campagnes ont évolué dernièrement pour montrer les piétons sous un jour « humain », selon Sandrine Cabana-Degani, qui note que les personnes âgées et les enfants sont surreprésentés parmi les victimes par rapport à leur poids démographique dans la population.

Voyez la vidéo « Laissez passer un piéton, protégez toute une vie »

« Ce que la SAAQ fait est intéressant, mais on sait que la sensibilisation a ses limites. Du côté du MTQ, il n’y a rien de structurant qui est annoncé, on ne sent aucune urgence », dit-elle.

En savoir plus
  • 6
    Nombre de personnes happées par le conducteur d’un véhicule automobile chaque jour au Québec en moyenne depuis cinq ans. Un piéton meurt tous les cinq jours en moyenne dans la province.
    SOURCE : piétons Québec
  • 250 $
    Amende maximale à laquelle s’expose un automobiliste qui omet de payer un péage routier, soit 50 $ de plus que l’amende maximale pour le non-respect de la priorité d’un piéton à un passage pour piétons.
    SOURCE : piétons Québec