Depuis un temps immémorial, le crabe commun pêché dans le Saint-Laurent, aussi appelé crabe de roche, est presque totalement vendu à l’extérieur du Québec. Grâce à un projet pilote du nouveau collectif La table ronde, on pourra enfin y goûter dans une quinzaine de restaurants québécois, d’ici quelques jours.

Ce n’est que le premier de plusieurs projets de maillage entre producteurs et restaurateurs d’ici, qui vise entre autres à garder les meilleurs produits locaux chez nous. L’opération crabe est réalisée en collaboration avec Fourchette bleue, un programme du musée Exploramer, à Sainte-Anne-des-Monts (Gaspésie), engagé dans la saine gestion des ressources marines du Saint-Laurent.

« Je me mets à la place du pêcheur et je peux tout à fait comprendre pourquoi un Japonais qui débarque de son jet privé et achète toute la production peut être beaucoup plus attrayant que des dizaines de restaurants locaux à approvisionner et collecter », explique Félix-Antoine Joli-Cœur, secrétaire général de La table ronde.

À vrai dire, environ 80 % du crabe canadien (48 012 tonnes sur 62 737) —toutes espèces confondues — va aux États-Unis, selon une compilation du DAPPA (Direction des analyses et des politiques des pêches et de l’aquaculture) —MAPAQ révélant les exportations canadiennes de crabe, en volume et en valeur par pays, entre 2015 et 2020. La Chine arrive en deuxième et le Japon en troisième, avec de beaucoup plus petites quantités, soit 9946 et 2005 tonnes. La pêche au crabe commun serait anecdotique au Québec, où le crabe des neiges est roi.

PHOTO FOURNIE PAR LA TABLE RONDE

Félix-Antoine Joli-Cœur, secrétaire général de La table ronde

Sandra Gauthier, directrice générale d’Exploramer et de Fourchette bleue, nous a mis en relation avec un pêcheur. On mise sur la force du groupe pour pouvoir lui acheter une bonne quantité de crabe et donc rivaliser avec les marchés internationaux.

Félix-Antoine Joli-Cœur, secrétaire général de La table ronde

Les premières caisses de crabe ne sont que la première étape d’un projet plus vaste qui vise à changer plusieurs habitudes, règlements, lois archaïques et difficiles à faire bouger. D’autres personnes et groupes motivés, comme Colombe St-Pierre et Société-Orignal, ont tenté de faire bouger les choses, avec un succès partiel.

Viser plus loin

M. Joli-Cœur, qui est avant tout un entrepreneur et un consultant en gestion, a espoir de réussir avec La table ronde et ses membres, 75 des meilleurs restaurants du Québec qui se mobilisent pour protéger et propulser le secteur de la gastronomie fine.

Avec des Martin Picard, Normand Laprise et Dyan Solomon dans le collectif, on a l’oreille et l’appui du gouvernement et des gens d’affaires. Puis ça ne va pas profiter qu’aux grands restaurants. Tout le monde va finir par profiter de ce qu’on met en place. Mais on va se servir des restos les plus réputés du Québec pour faire bouger les choses.

Félix-Antoine Joli-Cœur, secrétaire général de La table ronde

S’il n’y a que 15 tables qui participent au projet du crabe, c’est parce que le milieu fait aussi face à une crise de manque de main-d’œuvre bien connue. « Le crabe de roche demande plus de manipulation que le crabe des neiges, alors ce ne sont pas tous les restaurants qui peuvent se permettre de payer un cuisinier pour qu’il dépèce du crabe pendant des heures. Peut-être que plus tard, on pourra offrir du crabe déjà décortiqué », explique le secrétaire général.

Pour l’instant, c’est dans des restaurants comme Beba, Hoogan et Beaufort, Toqué !, Vin Mon Lapin, Le Club Chasse et Pêche, à Montréal, ou Chez Boulay (Québec), Le Coureur des Bois (Belœil), L’Épi (Trois-Rivières) et quelques autres que les premières caisses de crabe de roche seront livrées.

Saviez-vous qu’il y a aussi du calmar dans les eaux du Golfe et que celui-ci recommence à être pêché cet été ? À surveiller sur un menu près de chez vous !