(Québec) Un an après la découverte de restes d’enfants autochtones à Kamloops, la communauté crie de Chisasibi, dans le Nord québécois, annonce qu’elle mènera des fouilles radars sur l’île de Fort George, qui a abrité des pensionnats anglicans et catholiques jusqu’en 1980.

La communauté crie a confirmé mardi qu’elle ira de l’avant avec des fouilles radars en marge de la Journée nationale des Autochtones. Les recherches seront menées sur cinq sites de l’île de Fort George, où se trouvaient deux des plus importants pensionnats au Québec. La décision de la Première Nation survient après un long processus de consultations menées auprès des survivants.

« C’est un sujet très difficile, cela a été approuvé avec les anciens élèves, leurs familles et les aînés. On va commencer cet été, on reconnaît que ce sera douloureux », a affirmé en entrevue la cheffe de Chisasibi, Daisy House. Les travaux préparatoires sur le terrain débuteront au cours des prochaines semaines, mais les recherches pourraient s’amorcer vers la fin de l’été ou le début de l’automne.

L’examen des sites devrait durer entre deux et trois ans en raison de la complexité du site de l’île de Fort George, a expliqué la cheffe House. Les consultations avec la communauté se poursuivront en parallèle pour s’assurer que le processus est bien arrimé aux attentes des aînés. « Des enfants ne sont jamais revenus à la maison. Là où ils se trouvent est un lieu sacré, c’est à nous d’honorer leur mémoire », a-t-elle ajouté.

Chisasibi devient ainsi la première communauté autochtone du Québec à confirmer qu’elle mènera des fouilles sur son territoire. Plusieurs autres poursuivent toujours des consultations auprès de leurs membres. C’est le cas par exemple de Uashat mak Mani-Utenam, sur la Côte-Nord. Il y a eu une douzaine de pensionnats pour autochtones et foyers fédéraux au Québec.

La communauté crie a été déplacée de l’île de Fort George en 1979. L’endroit n’a pas été entretenu après la relocalisation, ce qui complique les recherches, a précisé la cheffe House. « Nous savons qu’il y a certains sites où se trouvent des tombes et cimetières, mais il y aura plusieurs défis sur le terrain », a-t-elle précisé. Les efforts seront en ce sens concentrés sur cinq sites particuliers.

« Bien qu’il s’agisse d’un défi de taille, je crois qu’il s’agit du bon pas en avant pour répondre aux préoccupations exprimées depuis longtemps par les anciens élèves, pour faire la lumière sur quelque chose qui a été gardé dans l’ombre depuis trop longtemps », a indiqué le Grand chef du Grand conseil des Cris, Mandy Gull-Masty.

Appel aux congrégations religieuses

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et Labrador, Ghislain Picard, a par ailleurs pressé les congrégations religieuses qui ont exploité des pensionnats à donner accès à l’ensemble de leurs archives pour faciliter le processus de recherche. La cheffe House a souligné que les congrégations devraient profiter de la visite du pape François cet été à Québec pour s’engager vers la réconciliation.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a indiqué sur Twitter qu’il supportait la décision de la communauté crie.

Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, s’est adressé aux membres de la communauté dans une vidéo, mardi. Il doit se rendre sur le terrain au cours de l’été pour confirmer une aide financière et supporter les recherches, a précisé Mme House. En août 2021, Ottawa a annoncé un financement de 320 millions pour la réalisation « d’initiatives axées sur les survivants » des pensionnats.

Les pensionnats de Fort George, qui ont été parmi les premiers construits au Québec, ont accueilli des d’enfants cris, mais aussi d’ailleurs, le temps que d’autres établissements soient aménagés. C’est le cas notamment des Innus de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean, et d’enfants autochtones du nord de l’Ontario. Le pensionnat anglican a été en activité de 1933 à 1975 et le pensionnat catholique, de 1937 à 1981.

La découverte des restes de 215 enfants autochtones sur le site d’un ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique il y a un an, a provoqué colère et consternation partout au pays. Plusieurs communautés ont choisi à leur tour d’effectuer des fouilles radars à la recherche de vérité.