(Ottawa) La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, et la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, ont annoncé dimanche après-midi que le Canada enverrait une troisième cargaison d’équipement militaire à l’Ukraine. Le Canada répond ainsi à la demande exprimée plus tôt cette semaine par la vice-première ministre de l’Ukraine.

« Ils ont besoin de casques, de gilets pare-balles, de masques à gaz et de matériel de vision nocturne », a énuméré la ministre Joly en conférence de presse. Elle a indiqué avoir reçu cette demande « directement » de la vice-première ministre de l’Ukraine, Olha Stefanishyna, lorsqu’elle s’est entretenue avec elle. L’équipement vise à « assurer la sécurité » des combattants ukrainiens.

L’annonce des ministres Joly et Anand est survenue quelques heures après une déclaration de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour annoncer une série de mesures visant à venir en aide à l’Ukraine, dont l’achat et la livraison d’armes.

« Je veux être bien claire : nous avons l’intention d’en faire plus », a affirmé la ministre Joly.

Une voie de passage a été négociée avec la Pologne pour acheminer l’équipement canadien jusqu’à sa frontière avec l’Ukraine. Les deux ministres n’ont pas voulu s’avancer sur les probabilités que la Russie intercepte la cargaison.

« Seul Poutine sait ce que Poutine fera, a répondu la ministre Anand. Et nous allons faire tout ce que nous pouvons pour acheminer cette aide aussi rapidement et de la façon la plus sécuritaire possible. Nous avons réussi à livrer notre première et notre deuxième cargaison d’aide létale sur le territoire ukrainien et nous avons l’expertise logistique et les relations avec nos alliés pour nous assurer que nos équipes sont en sécurité lors des livraisons. »

Protéger ceux qui sont armés

Ces équipements seront utiles aux citoyens qui sont maintenant armés, mais pas protégés, selon le directeur du Réseau canadien sur la défense et la sécurité, Stephen Saideman, également professeur de relations internationales à l’Université Carleton.

Si je me fie aux images que nous voyons, le gouvernement ukrainien a donné des fusils à beaucoup de gens, qui auront maintenant besoin de casques et de gilets pare-balles. Cela a du sens, mais la question est de savoir si nous avons des stocks importants d’équipement et quel type d’équipement nous pouvons donner.

Stephen Saideman, directeur du Réseau canadien sur la défense et la sécurité

Cette troisième cargaison canadienne sera transportée en Europe par avion Hercules avec l’aide des Forces armées canadiennes (FAC). À la mi-février, le Canada a envoyé pour 7,8 millions de dollars d’armes létales, de munitions et d’équipement militaire. L’annonce du premier ministre Justin Trudeau avait été faite 10 jours avant la première attaque russe en Ukraine.

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Le gouvernement n’exclut pas d’envoyer d’autres armes létales en Ukraine, comme des armes antichars, mais ne compte pas envoyer de soldats. « Une mission de combat n’est pas sur la table présentement et elle ne l’est pas non plus pour nos alliés, dont les États-Unis », a réitéré la ministre Anand. L’accroissement des troupes de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Europe sert à « renforcer la dissuasion ». Quelque 3400 soldats canadiens sont en état d’alerte, prêts à être déployés pour participer à la Force de réaction de l’OTAN.

Anita Anand a également rappelé que les FAC avaient aidé à entraîner plus de 33 000 soldats ukrainiens.

L’invasion russe en Ukraine en est à sa quatrième journée. Au moment où l’on écrivait ces lignes, la capitale du pays, Kiev, était toujours sous contrôle ukrainien malgré les bombardements. Le président de la Russie, Vladimir Poutine, a affirmé avoir mis en alerte la force nucléaire russe. De la « rhétorique irresponsable », a dénoncé la ministre Anand. « Le Canada demeure uni avec ses alliés face à son agression non provoquée. »

L’enjeu de la désinformation

Les mesures de représailles contre la Russie se sont intensifiées rapidement au cours des derniers jours. Dimanche matin, le Canada a emboîté le pas à plusieurs pays européens et a fermé son espace aérien à tous les exploitants d’aéronefs russes.

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Vendredi après-midi, le premier ministre Justin Trudeau avait annoncé une troisième salve de sanctions, cette fois contre 57 personnes, dont Vladimir Poutine, son chef de cabinet et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ainsi que contre le régime biélorusse.

Les conservateurs ont demandé samedi au gouvernement de prendre cinq autres mesures immédiatement, soit l’expulsion de l’ambassadeur de la Russie à Ottawa, le rappel de l’ambassadeur du Canada à Moscou, le retrait de la chaîne Russia Today (RT) des ondes canadiennes, le retrait de la Russie du G20 et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ainsi que la levée des visas pour les Ukrainiens voulant venir au Canada.

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Bell et Rogers ont retiré Russia Today de leurs chaînes.

« Nous savons tous que RT est un problème et nous allons le régler », a martelé Mélanie Joly. Elle a noté que la chaîne d’information financée par le gouvernement russe n’était pas la seule à diffuser de la désinformation, que l’agence de presse Sputnik et des campagnes sur les réseaux sociaux le faisaient également.

Nous voulons nous assurer que ces entreprises en font davantage pour prévenir toute forme de désinformation par ces sites web et d’autres entités.

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada

Quelques heures plus tard, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a annoncé sur Twitter que Bell et Rogers avaient retiré RT de leurs chaînes. « Je salue Bell pour avoir retiré RT, a-t-il écrit. Depuis 2014, la Russie mène une guerre en Ukraine et une guerre de l’information à travers le monde. RT est l’organe de propagande du régime Poutine qui propage de la désinformation. Ça n’a pas sa place ici. J’en dirai plus très bientôt. »

« Rogers va aussi retirer RT et le remplacer par une diffusion du drapeau ukrainien », a-t-il publié environ une heure plus tard.

Quant à l’ambassadeur du Canada en Russie, la ministre Joly estime qu’il doit rester en poste là-bas pour continuer à prendre le pouls de la population russe alors que des milliers de personnes manifestent contre la guerre et risquent de se faire arrêter par le régime.