Ressemblant à des morceaux de Lego, cinq des abris de fortune pour sans-abri offerts par l’humoriste Mike Ward ont fait leur apparition au centre-ville de Drummondville. Une option de plus pour éviter aux gens de dormir dans la neige, selon l’organisme qui les a reçus.

Le thermomètre affichait en dessous de - 20 °C dimanche soir lorsque Mathieu Hébert a accepté d’être le premier au Québec à tester les cabanes, nouvellement installées par l’organisme qui travaille en itinérance l’Ensoleilvent, de Drummondville.

Ces cubes sont juste assez grands pour accueillir une personne (couchée ou assise) et quelques effets personnels (1,2 m sur 1,2 m sur 2,4 m). Isolés mais pas chauffés, ils sont munis d’une porte qu’on peut verrouiller. Les personnes qui veulent les utiliser doivent demander la clé à l’Ensoleilvent, qui fournit un matelas de sol, des couvertures et un sac de couchage.

« Sérieux, c’était super, la porte, la lumière », décrit Mathieu Hébert, habitué de la survie en hiver. L’homme de 28 ans vit sur la route depuis une dizaine d’années. Cet hiver, il le passe dans un campement où il a un petit foyer, dans la région. Selon lui, la « minimaison » de Mike Ward coupe l’humidité, même s’il n’y fait pas chaud : une moyenne de - 5 °C pendant sa nuit d’essai, de lundi à mardi.

C’est surtout le geste « humaniste » de Mike Ward qui a touché Mathieu Hébert. « J’en ai pleuré [lorsque j’ai lu la nouvelle] », se souvient-il.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Mathieu Hébert a passé la nuit de lundi à mardi dans l’un des abris de fortune offerts par l’humoriste Mike Ward.

Fin janvier, l’humoriste a fait les manchettes lorsqu’il a annoncé sur Facebook que la Ville de Montréal avait décliné les 25 « minimaisons » pour sans-abri qu’il lui avait offertes gratuitement. La veille, une femme de la rue était morte lors de la vague de froid qui s’était abattue sur la métropole. Dix jours plus tôt, un homme avait aussi été retrouvé sans vie sous un viaduc.

Sur Facebook, la mairesse de Montréal avait répondu à l’humoriste que ce n’étaient pas les places au chaud qui manquaient à Montréal, mais « les personnes pour opérer les ressources destinées à […] ceux en situation d’itinérance ».

Réagir rapidement

À Drummondville, l’offre de Mike Ward n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. « J’ai répondu sur la page Facebook, explique Jacinthe Dorr, directrice générale de l’Ensoleilvent depuis 16 ans. Et pendant que j’en parlais à notre coordonnateur [François Gosselin], il a envoyé un courriel au gérant de Mike Ward. »

Résultat : les 25 cabanes ont été livrées, en pièces détachées. Les toutes premières ont été montées à Drummondville samedi. Quatre d’entre elles sont installés dans le stationnement municipal situé en face de l’Ensoleilvent, et une autre sur le terrain de l’organisme.

Des abris comme ça, ça n’a rien d’esthétique, ce n’est pas une solution à long terme. J’ai accepté parce qu’il y a un intervenant qui va s’occuper de l’humain [qui l’utilise].

Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville

Stéphanie Lacoste voit aussi un bénéfice à rappeler aux citoyens que l’itinérance n’existe pas seulement dans les grands centres. « Il y en a aussi à Drummond, on ne peut pas se le cacher. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville

L’Ensoleilvent accueille en moyenne 200 personnes par année. Depuis la pandémie, l’organisme a ajouté des chambres et un pavillon où les usagers peuvent se réchauffer pendant la journée. Jacinthe Dorr craint que l’itinérance « n’explose » dans les prochaines années, en raison des répercussions de la COVID-19.

Solution de dernier recours

Parmi les usagers de l’Ensoleilvent, les abris de Mike Ward suscitent de vives discussions. « On voit qu’il y a un problème de ressources quand c’est un humoriste qui est obligé de faire la job », lance l’un d’eux, assis dans le pavillon chauffé. « C’est inhumain pour les passants, qu’ils laissent dormir les gens à - 30 [°C] dans une boîte fermée », estime pour sa part une femme à son côté. « Ça peut dépanner quand tout est plein, qu’il fait [froid] et que tu te fais mettre dehors de partout », réplique un autre usager.

Les “minimaison” sont une solution de dernier recours. Des fois, la personne devrait être à l’hôpital : elle dérange tout le monde, elle ne respecte pas les règles. Mais on est conscients que si on la met dehors, elle risque de geler dans un banc de neige.

Jacinthe Dorr, directrice générale de l’Ensoleilvent

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Jacinthe Dorr, directrice générale de l’Ensoleilvent

C’est aussi une solution temporaire. Les abris sont démontables et devraient être retirés au mois de mars.

Cinq autres abris ont été acheminés mardi à Victoriaville, où ils seront montés sur un terrain de la Ville et gérés par l’organisme Répit-Jeunesse.

Et la quinzaine d’abris restants ? Ils seront distribués aux projets qui en font la demande, affirme Jacinthe Dorr.

Mike Ward a décliné la demande d’entrevue de La Presse.

Vancouver lance un projet pilote

À Vancouver, un projet pilote prévoit la construction de 10 abris pour personnes sans-abri au coût de 1,5 million de dollars, a récemment rapporté le Globe and Mail.

Les structures autoportantes seront situées dans le stationnement d’un refuge dans le quartier de Downtown Eastside, particulièrement touché par l’itinérance. Ces abris seront équipés de chauffage, de l’air climatisé, d’un endroit où dormir, et pourront accueillir jusqu’à deux personnes.

Lisez l'article du Globe and Mail