(Québec) Le gouvernement Legault n’arrivera pas à « couper de façon très significative si ce n’est pas dire éliminer l’attente » pour des soins en santé mentale d’ici mars 2022, contrairement à l’objectif qu’il s’était fixé.

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, le reconnaît et demande qu’on lui donne le temps pour implanter partout au Québec un nouveau programme visant à réorganiser les services.

« Ce qu’on essaie de faire, c’est un changement de culture et une réorganisation de la façon dont on offre les soins en santé mentale. Et ça, ça ne peut pas se faire en quelques semaines ou quelques mois », explique M. Carmant dans une entrevue accordée à La Presse.

Le 2 novembre, le ministre a annoncé des investissements de 100 millions de dollars pour « vider » la liste d’attente. Il y avait alors 16 000 personnes sur cette liste. On en compte 19 819 sept mois plus tard.

« On espère que, sur la période qui va nous amener jusqu’à mars 2022, on va pouvoir couper de façon très significative, si ce n’est pas dire éliminer la liste d’attente », disait M. Carmant en novembre.

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Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Le ministre reconnaît aujourd’hui qu’il ne sera pas possible d’éliminer, ou presque, l’attente dans le délai prévu. Il dit espérer une diminution « significative ».

Dans son plan stratégique mis à jour en février dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux s’est donné pour cible de réduire la liste d’attente à 4267 personnes d’ici la fin de 2021-2022, dans 10 mois. C’est « très ambitieux, surtout avec la pandémie », affirme Lionel Carmant. « Ce ne sera pas [atteint] cette année, ça, c’est sûr. » Le Ministère ratera donc la cible qu’il s’était lui-même fixée et qui avait été renouvelée il y a trois mois à peine.

Lionel Carmant convient que les résultats sont décevants pour un volet de son annonce de 100 millions. À peine 609 personnes ont été adressées à des psychologues et des psychothérapeutes du secteur privé. Peu de professionnels du privé ont conclu des contrats avec des établissements pour réduire les listes du réseau public, comme l'a indiqué Le Devoir cette semaine. Le tarif maximal de 100 $ l’heure, fixé par le Ministère, est en cause, notamment.

Programme québécois pour les troubles mentaux

D’ici mars, Lionel Carmant veut étendre à l’ensemble du Québec un nouveau programme annoncé en début de mandat, le Programme québécois pour les troubles mentaux (PQPTM). C’est la clé de voûte de son plan pour éliminer l’attente.

Le PQPTM est implanté dans cinq CISSS et CIUSSS depuis août 2019. L’attente y a diminué de 51 % en moyenne, selon lui. Certains des autres CISSS et CIUSSS qui doivent adhérer au programme tardent à agir, « mais on les contacte et on les aide », affirme M. Carmant.

Grâce au PQPTM, « quel que soit l’endroit où quelqu’un va venir frapper à la porte, il va avoir des services. Si ce n’est pas tout de suite, c’est très rapidement ». Un délai maximal de 30 jours sera fixé, alors qu’il faut des mois pour avoir accès à un psychologue dans le public en ce moment.

Le PQPTM vise à accroître l’offre de services. « On parle de soins par étapes. Des gens ont mal compris en disant que toutes les personnes vont devoir faire toutes les étapes, c’est-à-dire de l’autosoin à la thérapie de groupe, à la thérapie individuelle, à la psychothérapie et à la psychiatrie. Mais le modèle n’est pas comme ça. »

Le modèle, c’est vous envoyer là où vous avez besoin d’aller, mais si, par exemple, vous devez attendre pour la psychothérapie, on ne vous laisse pas tout seul.

Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, à propos du PQPTM

La « porte d’entrée » principale du programme, c’est le service Info-Social 811. « Il y a des travailleuses sociales, des psychologues, des ergothérapeutes, des infirmières qui peuvent vous accueillir, selon vos besoins. Ils peuvent donner jusqu’à cinq séances et si le problème perdure, on vous transfère au guichet d’accès en santé mentale. C’est une grosse transformation. »

Le 811 a reçu 14 000 appels par semaine au plus fort de la pandémie, le double de la normale. On est sous les 10 000 depuis peu.

« La santé mentale, c’est sous-financé », reconnaît Carmant

Québec a alloué un budget de 35 millions par année au PQPTM. Lionel Carmant relève que « la santé mentale, il faut se l’avouer, c’est sous-financé. C’est un tiers des consultations chez le médecin, et ce n’est même pas 10 % du budget ».

L’an dernier, Québec a ajouté 300 travailleurs en santé mentale, dont une trentaine de psychologues. D’ici cinq ans, il va manquer 883 psychologues dans le réseau public. « On travaille à améliorer les conditions de travail » pour en attirer davantage, affirme Lionel Carmant. Il veut convaincre les finissants de se diriger vers une carrière dans le réseau public, car « ceux qui sont déjà au privé, c’est difficile de les faire venir ».

Québec devait ouvrir 250 postes d’intervenant en santé mentale ce printemps. L’opération a été suspendue pour éviter un exode à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), comme La Presse l’a révélé. À la même période l’an dernier, 300 travailleurs avaient quitté la DPJ pour occuper des postes rendus disponibles ailleurs.