L’entreprise qui vient de remporter l’appel d’offres pour gérer les huiles usées des autobus et des trains de la société de transport exo a été bannie des contrats publics de la Ville de Montréal l’an dernier, après la découverte d’un stratagème de déversement de boues contaminées en milieu agricole. L’organisme se dit « préoccupé », mais a les mains liées.

Avec une soumission de 706 000 $, Beauregard Environnement a battu les quatre autres soumissionnaires qui voulaient obtenir le contrat pour les services environnementaux dans les installations d’exo : pompage et élimination des huiles usées, des eaux et de la boue huileuses ou des sédiments ; pompage des séparateurs d’huile ; lavage à pression des conduites, des fosses d’inspection et des puisards ou ponceaux ; excavation et décontamination des sols.

Le contrat implique des matières très polluantes. Or, un rapport du Bureau de l’inspecteur général de Montréal (BIG) montrait du doigt Beauregard Environnement l’an dernier et dénonçait des « manœuvres frauduleuses » qui duraient apparemment depuis des années. Chargée de récupérer les boues de puisards et les sédiments contaminés dans les égouts pluviaux afin de les envoyer dans un site d’élimination accrédité, elle les aurait plutôt confiées à un agriculteur de Mirabel pour les épandre clandestinement dans son champ. Les boues peuvent être contaminées avec de l’essence, de l’huile à moteur, du sel de déglaçage et divers déchets.

L’entreprise facturait quand même la Ville pour l’élimination dans un site professionnel en Ontario. Elle aurait aussi facturé des nettoyages sans faire le travail et omis de procéder à certains tests.

Dans la foulée de l’enquête du BIG, la Ville de Montréal avait placé Beauregard Environnement sur sa liste noire des contrats publics. Plusieurs organismes publics ou privés ont annulé ou suspendu leurs contrats avec l’entreprise.

Forcé de choisir le plus bas soumissionnaire conforme

Chez exo, on explique toutefois ne pas avoir le droit d’exclure un soumissionnaire en utilisant la liste noire de la Ville de Montréal. « Étant donné que le fournisseur Beauregard Environnement est le plus bas soumissionnaire conforme, le contrat devrait lui être adjugé afin de respecter les principes intrinsèques de la loi », explique la porte-parole Gina Guillemette. Le conseil d’administration doit officialiser la chose le 4 février.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Un camion de Sani-Nord, l’une des nombreuses filiales de Beauregard Environnement, avant son bannissement des contrats publics montréalais

Exo entend toutefois suivre de près l’exécution du contrat et « exercer un contrôle strict » sur l’élimination des matières polluantes. « Exo est évidemment préoccupée par le contenu des reportages parus dans La Presse l’automne dernier ainsi que le rapport du Bureau de l’inspecteur général de Montréal », affirme Mme Guillemette.

Sur papier, la dirigeante de Beauregard Environnement se nomme Dany Fréchette. Mais selon le BIG, l’entreprise est plutôt contrôlée par son conjoint Michel Chalifoux, ce que d’anciens employés ont confirmé à La Presse. D’anciennes entreprises exploitées par M. Chalifoux ont été jugées coupables de participation à un cartel de truquage d’appels d’offres en 2016.

Elles avaient été exclues des contrats publics à la grandeur du Québec par l’Autorité des marchés publics, mais l’exclusion ne touche pas l’entreprise enregistrée au nom de sa conjointe.

L’avocat de Beauregard Environnement, MMartin Marceau, a souligné mardi que l’entreprise contestait le rapport du BIG devant les tribunaux. Les autres villes ne sont pas liées par la liste noire de Montréal, rappelle-t-il. « Elles sont libres de faire affaire avec l’entrepreneur souhaité, sous réserve du respect de leurs propres exigences contractuelles. »