L’Ordre des chimistes du Québec conteste la validité des données dévoilées par le ministère de l’Éducation sur les taux de plomb dans l’eau des écoles et demande au gouvernement de refaire ses devoirs.

Selon les données publiées vendredi en fin d’après-midi par le Ministère, plus du tiers des fontaines et des robinets des écoles publiques du Québec contiennent trop de plomb et environ les deux tiers « respectent la nouvelle recommandation de Santé Canada de cinq microgrammes de plomb par litre d’eau (5 µg/L) ».

Le communiqué précise que « l’ensemble des écoles du Québec est sécurisé ».

Mais l’Ordre des chimistes du Québec remet en question la méthode utilisée par le gouvernement et la validité des résultats obtenus.

En 2019, le gouvernement du Québec avait demandé aux établissements du réseau scolaire public et aux établissements d’enseignement privés d’analyser la concentration de plomb dans l’eau potable en utilisant des appareils portatifs Kemio Heavy Metals.

Le président de l’Ordre des chimistes, Michel Alsayegh, déplore le recours aux appareils portatifs Kemio Heavy Metals, estimant qu’il y a « un risque important de faux négatifs, ce qui est inquiétant pour la santé des enfants et du personnel ».

« Dès 2019, quand on a rencontré le cabinet du ministre de l’Éducation, on avait émis un doute sur la fiabilité des résultats avec ce type d’instrument », a indiqué M. Alsayegh en entrevue avec La Presse Canadienne.

Selon lui, la méthode « accréditée, connue et certifiée » pour l’analyse des métaux dans l’eau consiste à effectuer l’analyse avec un « instrument de laboratoire et d’envoyer les échantillons dans un laboratoire accrédité », comme a décidé de le faire le centre de services scolaire de Montréal, l’ancienne Commission scolaire de Montréal (CSDM).

« Dans ce cas, on sait que c’est un résultat hors de tout doute », a précisé Michel Alsayegh.

Pour les établissements scolaires qui ont plutôt utilisé l’appareil Kemio Heavy Metals prescrit par le gouvernement, le président de l’Ordre des chimistes recommande de faire valider en laboratoire tous les tests qui concluent à l’absence de contamination au plomb dans l’eau.

« Cet appareil ne mesure pas le plomb total » et « on ne devrait pas se fier à ses résultats pour conclure qu’un point d’eau est conforme et qu’on peut continuer à boire de l’eau de ce point d’eau là », a affirmé M. Alsayegh.

Dans le communiqué diffusé vendredi par le gouvernement, Louis Martel, directeur du Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec, agence du ministère de l’Environnement, affirme que « la méthode analytique utilisant l’appareil Kemio Heavy Metals que le ministère de l’Éducation a mis à la disposition du réseau peut effectivement être utilisée pour déterminer la concentration de plomb dans des échantillons d’eau potable dans un contexte de dépistage ».

Cependant, pour le président de l’Ordre des chimistes du Québec, « un dépistage, ce n’est pas une analyse accréditée » et l’Ordre demande donc « que les entrées déclarées négatives [dans les écoles] soient condamnées jusqu’à ce qu’une analyse dans un laboratoire agréé ait été faite ».

L’Ordre des chimistes du Québec ignore dans combien d’écoles de la province l’appareil Kemio Heavy Metals a été utilisé.

La Presse Canadienne a demandé une entrevue au ministère de l’Éducation samedi après-midi, mais il n’a pas été possible d’obtenir une réaction immédiate.

En février 2019, un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) recommandait au gouvernement de dresser un portrait exhaustif de la situation dans les établissements scolaires et les services de garde en petite enfance.

Selon le rapport de l’INSPQ, des prélèvements réalisés de 2013 à 2016 auprès de 436 écoles ou garderies indiquaient un dépassement de la norme d’au plus 10 µg/L dans environ 3 % des établissements.

En mars 2019, Santé Canada a fait passer la norme de 10 à 5 µg/L.

C’est dans la foulée du rapport de l’INSPQ et de la nouvelle recommandation de Santé Canada que le gouvernement du Québec a demandé aux établissements du réseau scolaire public et aux établissements d’enseignement privés de mesurer la concentration du plomb dans l’eau potable.