Amir Attaran est professeur de droit à l’Université d’Ottawa. C’est un francophobe patenté. Il a déjà décrété que le Québec était une société intolérante en se basant sur sa « vaste » expérience, après avoir fait le plein d’essence à Gatineau. Il tient sans cesse ce genre de généralisations niaises sur Twitter.

M. Attaran est finalement apparu cette semaine sur le radar des médias québécois parce qu’il avait comparé le Québec à l’Alabama (1), État américain où le Ku Klux Klan a longtemps régné en maître et où les Noirs ont été lynchés par des foules racistes et pendus aux arbres. « Lynchage » est un terme chargé, mais qu’importe : Amir Attaran a aussi affirmé que les autochtones étaient la cible de « lynchage » dans les hôpitaux québécois et que le Québec était un paradis du « suprémacisme blanc ».

Si vous voulez lire sur l’horreur des lynchages de Noirs en Alabama, lisez ce papier du New York Times (2). Essayez d’y reconnaître le Québec.

J’oublie quelque chose ?

Ah oui : selon le prof de l’Université d’Ottawa, la fondation du Parti québécois – par René Lévesque – est une tare attribuable à « la suprématie blanche des pure laine ».

Juste ça.

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Je dis qu’Attaran est « finalement » apparu sur le radar des médias parce que ça fait longtemps qu’il est sur le mien. Je l’ai souvent dénoncé et raillé sur Twitter pour ses attaques francophobes et son Québec bashing.

Le Québec n’est pas au-dessus de la critique, le gouvernement non plus, pas plus que les Québécois, là n’est pas la question. C’est l’enflure, ici, qui fait lever un sourcil…

Le Québec serait donc la province la plus raciste au Canada, selon Amir Attaran. Les palmarès du racisme m’exaspèrent, car ils sont absurdes, c’est tomber dans une concurrence de l’ignominie : si le Québec est la pire province en matière de racisme, posez-vous une question…

Laquelle occupe la troisième place ?

Car si le Québec est la province la plus raciste au Canada, il doit y en avoir une qui occupe la troisième place, right ?

La réalité, c’est qu’il y a du racisme partout dans ce pays, pas juste dans la province des grenouilles, car cette peste de l’esprit ne connaît pas les frontières provinciales. Trois exemples :

1. Le magazine Maclean’s (tombé dans le panneau du palmarès de l’horreur) a décrété en 2015 que Winnipeg était « la ville la plus raciste » au Canada, pour son traitement épouvantable des autochtones, dans une province, le Manitoba, qui a des enjeux énormes à cet égard (3).

2. Thunder Bay, en Ontario, est sur la sellette pour des problèmes systémiques qui affligent et tuent des autochtones… Tapez ce nom dans Google : Barbara Kentner, tuée par un Ontarien dans des circonstances terribles. Thunder Bay a un tel problème de racisme que le média en ligne Canadaland y a affecté un journaliste pour couvrir le racisme de cette ville « qui a le plus haut taux de meurtres et de crimes haineux au pays » (4).

3. Et voulez-vous qu’on parle des pêcheurs micmacs de Nouvelle-Écosse dont l’entrepôt de homards a été mystérieusement incendié au milieu d’un bras de fer violent sur les droits de pêche avec des pêcheurs blancs (5) ?

Je ne dis pas que l’Ontario, le Manitoba ou la Nouvelle-Écosse sont pires que le Québec en matière de racisme. Je dis que l’obsession des Amir Attaran de ce pays pour le racisme au Québec dénote leurs propres attitudes racistes envers le Québec et les francophones. À leur décharge, il faut dire que la francophobie est une forme de racisme acceptable dans ce pays.

Car Amir Attaran n’est pas le premier éminent membre de la bien-pensance canadienne-anglaise qui vomit sur le Québec pour dépeindre les Québécois comme étant exceptionnellement racistes. Naguère, Mordecai Richler ne passait pas par l’Alabama pour faire des Québécois des êtres particulièrement racistes, il puisait ses métaphores directement chez les nazis (6).

M. Attaran a le droit d’utiliser sa liberté d’expression pour montrer sa bêtise à l’univers. Mais je suis sidéré de voir que le recteur Jacques Frémont de l’Université d’Ottawa – un campus bilingue fréquenté par des profs et des étudiants québécois depuis des générations – ne dénonce pas Amir Attaran en termes clairs en utilisant la sienne, contrairement à la doyenne de la section de droit civil, Marie-Eve Sylvestre. « Des propos incendiaires et offensants », a-t-elle tenu à préciser sur Twitter.

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Je termine sur une note personnelle. Je suis diplômé de l’Université d’Ottawa, j’y ai étudié de 1991 à 1995. Et j’ai récemment parrainé une bourse d’études avec une amie, elle aussi diplômée de l’Ud’O. L’idée : un coup de pouce pour les étudiants qui, comme nous il y a 30 ans, ont besoin de tous les dollars qu’ils peuvent trouver pendant leurs études.

C’est en 2018 que je me suis engagé à financer cette bourse, sur trois ans. J’ai fait mon dernier chèque il y a quelques semaines.

J’ai le regret de dire que si mon alma mater m’avait approché en 2021 plutôt qu’en 2018 pour financer cette bourse, j’aurais décliné l’invitation.

1. « “L’Alabama du Nord” : le PQ veut déposer une plainte contre Amir Attaran », La Presse, 18 mars 2021

2. « A Lynching Memorial Is Opening. The Country Has Never Seen Anything Like It. », The New York Times, 25 avril 2018

3. « Maclean’s claim that Winnipeg is Canada’s most racist city upsets mayor », CBC, 23 janvier 2015

4. « Thunder Bay », Canadaland

5. « La GRC souhaite une résolution pacifique du conflit en N.-É. », Radio-Canada, 21 octobre 2020

6. « Une rue Mordecai-Richler, oui ou yes ? », La Presse, 13 novembre 2010