La fête du Travail. Dans l’ancien temps, c’est-à-dire 2019 en reculant, c’était une fête dont on ne saisissait pas trop le sens. On prenait le congé, bien sûr, avec joie. On accepte toujours un congé, quel qu’il soit. Il y aurait la fête des aubergines au calendrier, on ne s’y opposerait pas. Peu importe la raison, si vous nous donnez congé, on est d’accord avec vous. La fête des minous ? Yeah ! La fête des minous ! La fête des brouettes ? Yeah ! La fête des brouettes ! On ne s’opposera jamais à une journée de farniente.

Mais la fête du Travail, c’est quand même paradoxal. Parce que si on est si heureux à la fête du Travail, c’est justement parce qu’on ne travaille pas. La fête du congé serait une désignation plus appropriée. Sauf que cette année, notre rapport au travail a changé. Énormément changé.

En mars, pour bien des gens, le travail s’est arrêté. Pas pour un congé. Plus pour un congédiement. Un congédiement total. Tout le monde en même temps. La shop a fermé. Pas juste la sienne. Celle du voisin, aussi. Et celle du voisin du voisin. Même celle du gars en Chine. La planète a fermé. La terre entière confinée à la maison. Le travail n’existait plus.

On ne pouvait même pas en profiter pour prendre des vacances, tout était annulé. Pas juste le travail, le plaisir aussi.

Plus de job, l’angoisse nous a saisis. Comment va-t-on faire pour arriver ? Comment va-t-on manger ?

C’est là que le Canada est venu nous sauver. La PCU. Trudeau s’est transformé en professeur dans La Casa de Papel. Comme certains l’ont déjà souligné sur les réseaux sociaux. Le PM s’est même fait pousser la barbe pour ressembler encore plus à Sergio. Le professeur Justin s’est donc mis à imprimer de l’argent. Beaucoup d’argent. Sauf que ceux qui en profitent ne s’appellent pas Tokyo, Berlin, Nairobi ou Denver, mais plutôt Montréal, Toronto, Vancouver ou Chibougamau.

Bonheur total, on glande chez nous, et on reçoit un chèque. Vive la fête du chômage ! On pensait y prendre goût. Cependant, c’est le grand Félix Leclerc qui a raison : la façon la plus sûre de tuer un homme, c’est de l’empêcher de travailler en lui donnant de l’argent. Cette fois, le motif pour l’empêcher de travailler était fort louable : sauver sa vie et celle de son prochain. Mais à la longue, le procédé était d’un ennui mortel.

Tout ce qui semblait pénible en février s’est mis à nous manquer, au printemps. Se lever tôt, s’habiller, aller au boulot, bosser. On s’est mis même à regretter nos heures dans le trafic, à méditer et à écouter de la musique. Deux jours, en mou, c’est doux. Deux semaines, en mou, c’est correct. Deux mois, en mou, c’est dur.

On s’est rendu compte qu’au fond, on aimait bien travailler. Qu’on avait besoin de contribuer. De sentir que les autres ont besoin de nous. Que la vie ne peut pas se résumer, à regarder Netflix toute la journée. Même si La Casa de Papel, c’est ben, ben bon.

Voilà pourquoi la fête du Travail, cette année, c’est vraiment la fête du travail retrouvé. On sera heureux, mardi, de retourner être utile à quelque chose et à quelqu’un. On a hâte de sortir de notre grotte et de voir notre ombre. Quoique pour un bon nombre, retour au travail ne signifie pas retour au bureau. Le télétravail se prolonge. Les entreprises se sont rendu compte que ça pouvait être avantageux. Fini les espaces qui coûtent une fortune au pied carré. Fini les conversations contre-productives d’employés, devant la machine à café. Fini les retards. Fini l’entretien, le ménage, la gestion d’êtres humains. Arrangez-vous chez vous ! Pourvu que l’ouvrage soit fait.

Pour les travailleurs, tout dépend de la nature de son métier. Un auteur faisait du télétravail avant même que la télé existe. Mais il y a plein de professions pour lesquelles l’émulation des collègues est importante. Chacun de son côté, l’esprit d’équipe est compliqué à développer. Suzuki ne peut pas faire une passe à Tatar en télétravail.

L’avenir du monde de l’emploi sera sûrement un hybride entre le télétravail et le travail présentiel. Quand on aura compris qu’une réunion sur Zoom, ce n’est rien d’autre qu’une téléconférence avec vue sur des mentons, simples ou doubles. Parfois, ça fait gagner beaucoup de temps, parfois il vaut mieux prendre le temps de se voir le menton en vrai. 

Comme en tout, c’est toujours la diversité qui est gage de succès. Le job, peu importe lequel, c’est un peu chez soi, un peu au bureau, beaucoup dans sa tête.

Alors bonne fête du Travail ! C’est toujours la meilleure façon de gagner sa vie. Et merci à vous, travailleuses et travailleurs de tous les métiers. On a besoin les uns des autres pour traverser la vie.

Aux gens qui n’ont pas retrouvé leur emploi, je vous souhaite pour bientôt de l’ouvrage par-dessus la tête. Pas besoin de vous réinventer. Vous êtes déjà une belle invention. Saisissez la moindre chance de montrer ce que vous savez faire. Et ça va bien… fonctionner. ;-)