On ne va quand même pas annuler l’Halloween ?

S’il y a un îlot de certitude dans la mer de l’incertitude pandémique, c’est justement qu’à l’extérieur, le virus se propage beaucoup moins qu’à l’intérieur.

L’Halloween, c’est à l’extérieur, non ? C’est bien à l’extérieur que les enfants costumés se promènent de porte en porte pour recueillir des bonbons ?

Oui, je viens de vérifier dans mes souvenirs d’enfance, je viens de vérifier auprès de mes voisins : c’est bien à l’extérieur que l’Halloween se déroule, c’est bien à l’extérieur que les enfants sonnent aux portes !

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

En raison de la deuxième vague de COVID-19, le gouvernement du Québec n’a toujours pas statué si les enfants pourraient passer l’Halloween cette année.

C’est l’endroit le plus sécuritaire, pourvu qu’on soit minimalement prudent. Je dis : il faut sauver l’Halloween.

Je suis pour le principe de précaution en matière de pandémie. Au nom de ce principe de précaution, je lavais en mars mon épicerie, cannes de thon et pommes (on sait désormais que ce n’est plus nécessaire), je porte le masque dans les endroits publics sans rechigner, je limite mes contacts sociaux au maximum de ce qui est humainement possible…

Mais dehors, désolé, dehors, on sait que c’est à peu près le dernier espace sécuritaire, à condition de faire attention. Les manifs d’antimasques ne sont pas des foyers d’éclosion de coronavirus, c’est bien pour dire !

À l’intérieur, gouttelettes et aérosols – à la faveur d’une absence de ventilation efficace – peuvent transmettre le virus efficacement. Les grands foyers d’éclosion, ici et ailleurs, naissent le plus souvent à l’intérieur : hôpitaux, CHSLD, centres de spinning, abattoirs, soirée de karaoké dans un bar…

Je suis pour le principe de précaution. Dans un contexte de science changeante, dans un contexte où on ne sait pas aujourd’hui ce qu’on saura (peut-être) dans un mois, je comprends les gouvernements d’être prudents. Je l’ai dit cent fois…

Mais quand la science est claire, peut-on faire des accommodements avec le réel ?

Je suis un adulte. Je peux me gérer. Ça me pèse de ne pas voir mes amis, mes proches, de ne pas aller voir ma famille. Je sais que c’est passager, je sais que c’est le prix à payer pour limiter la propagation du virus, pour protéger nos hôpitaux rendus vacillants par l’hémorragie de personnel qui s’est accélérée ces derniers mois…

Les enfants n’ont pas la même capacité à se gérer, à se raisonner. Quand t’es un enfant, tout est immense, même un virus invisible. En zone rouge, le sport est à peu près disparu de leurs vies. Hockey, football, danse, soccer : tout ce qui est en marge de l’école – la vie – a été mis sur la glace…

Et là, on leur enlèverait, en plus, l’Halloween ?

Je dis : non ! Les enfants ont besoin de se déguiser, de passer l’Halloween. J’ai besoin de les voir et les entendre avoir du fun dans la rue. Je pense que ça nous ferait tous du bien.

Si les activités extérieures étaient un facteur de risque, je ne dirais rien. Je plaiderais à contrecœur pour le principe de précaution. Mais l’Halloween est une activité essentiellement extérieure et les activités extérieures sont, sauf exception exceptionnelles, sécuritaires.

En Ontario, les villes demandent à la Santé publique des directives claires sur l’Halloween. On peut ou pas ? Il semble que la Santé publique ontarienne va trancher cette semaine.

Au Québec, la Santé publique n’a pas statué, mais des villes n’ont pas attendu pour agir : Rouyn-Noranda et Amos ont déjà annoncé qu’il y aurait une Halloween alternative dont je vous épargne les détails, mais sachez seulement que c’est le genre d’Halloween qui ne peut avoir été imaginée que par des adultes, sans le fun de se promener de maison en maison, déguisé, pour avoir des bonbons…

La directrice de l’Agence de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, a d’ores et déjà dit qu’il était possible de passer l’Halloween en respectant certaines règles. Évidemment, il ne faut pas organiser un party d’Halloween post-porte-à-porte, mais, selon la Dre Tam, c’est tout à fait possible d’avoir une Halloween sécuritaire…

Ah, comment donner des bonbons à deux mètres de distance, me demandez-vous ? La Dre Tam suggère de les donner avec un bâton de hockey, ce qui suppose quand même des talents d’équilibriste, à défaut d’une précision sans faille dans le slapshot tiré du salon vers le balcon (on ne voudrait pas éborgner un enfant du voisinage, quand même)…

Personnellement, je sais comment je vais donner des bonbons, le samedi 31 octobre, si la Santé publique québécoise décide de ne pas tuer complètement le fun : avec un tube artisanal qui servira de chute à friandises. Comme ce plombier de l’Ontario le propose…

Donner le feu vert à l’Halloween, ce serait aussi clarifier un angle mort de la réponse au coronavirus, l’occasion de dédiaboliser cette réalité quasi implacable : en temps de pandémie, l’extérieur est notre ami. Pas notre ennemi.