Soulagement, satisfaction, réjouissance : divers regroupements du milieu des affaires, de la communauté des études postsecondaires et du secteur du droit de l’immigration ont exprimé leur contentement devant la volte-face du gouvernement Legault vendredi soir. Ceux qui avaient dénoncé haut et fort le règlement modifiant l’accès au Programme de l’expérience québécoise espèrent maintenant être entendus pour la prochaine mouture.

« Je vois que le gouvernement a bien entendu l’inquiétude des gens et des entreprises, et a compris l’incidence du règlement », a réagi le président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Stéphane Forget.

Les nouvelles règles avaient soulevé un tollé quasi unanime dans les différents milieux qui auraient été touchés par une réduction du nombre d’étudiants étrangers pouvant être acceptés au Québec.

« On a vu tout le réseau se lever d’une seule voix », a dit le président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université, Jean Portugais. Il a montré du doigt « un manque de préparation du gouvernement » dans ce dossier.

« Amateurisme »

Étudiant algérien, Sabr El Djamil Abada a lui aussi déploré l’« amateurisme » avec lequel cette modification a été menée. Sa femme, Rima, et lui ont rêvé de s’installer au Québec, fuyant l’instabilité de leur pays d’origine en 2017. Ils savaient que refaire leurs études ici coûterait cher, mais c’était pour eux une voie rapide vers le Certificat de sélection du Québec et la résidence permanente.

Or, pour ce père de deux enfants, il y aura toujours « un avant et un après », une insécurité liée à la possibilité de voir un changement de règlement bouleverser sa vie du jour au lendemain.

La nouvelle d’hier ne l’a pas touché outre mesure, puisqu’il aurait bénéficié d’une clause de droits acquis, annoncée dans un deuxième temps la semaine dernière. L’annonce l’a cependant conforté.

Ça m’a rassuré de voir que la démocratie existe ici.

Sabr El Djamil Abada, étudiant algérien

Le président de l’Association des cycles supérieurs en droit de l’Université de Montréal, Nicolas Gervais, a aussi salué « l’humilité et le courage du premier ministre, qui illustre qu’il veut faire ce qui est mieux pour le Québec ».

Reste que tous s’entendent pour dire que la crise aurait pu être évitée.

« On veut qu’il y ait consultation, mais aussi collaboration », a souligné le vice-président aux politiques de développement de la main-d’œuvre du Conseil du patronat du Québec, Denis Hamel. Selon lui, la nuance est importante : il ne suffit pas de consulter les différents acteurs du milieu, il faut aussi mettre en place leurs recommandations. Il a donné en exemple les seuils d’immigration, jugés trop bas par le milieu des affaires, qui réclame 60 000 nouveaux arrivants par année. Après des consultations l’été dernier, le gouvernement avait tout de même décidé de ne pas atteindre ce chiffre.

La carotte plutôt que le bâton

Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, aimerait voir le gouvernement miser sur des mesures incitatives additionnelles pour certains profils d’étudiants plutôt que d’en pénaliser d’autres. « La carotte plutôt que le bâton », a-t-il résumé.

Critiqué jeudi par le ministre Legault, qui l’accusait de vouloir plus d’immigrants pour avoir une main-d’œuvre bon marché, M. Leblanc a salué le « leadership » du premier ministre, vendredi.

On a des visions qui se ressemblent beaucoup sur le plan économique. Je lui ai assuré ma collaboration.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Le président de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, Guillaume Cliche-Rivard, espère aussi que les experts des différents domaines seront mis à contribution. « C’est un programme exceptionnel, s’il avait besoin d’une réforme, c’était dans son élargissement », a dit celui qui souhaite quelques améliorations au Programme de l’expérience québécoise, notamment pour les travailleurs autonomes et les étudiants au DESS.

Le cégep de Matane entamera bientôt sa deuxième mission de recrutement en France, pour l’automne 2020. Son directeur, Pierre Bédard, sait que les nouvelles ont traversé l’Atlantique et créent « beaucoup d’incertitude pour le recrutement ». Il appréhende une « vision trop restreinte », qui ne tiendrait pas assez compte des régions, dans un futur remaniement du règlement.

« Le gouvernement devra nous écouter », a-t-il lancé.