(Montréal) L’aéroport Pearson de Toronto a manqué à ses obligations envers des passagers francophones, vient de statuer le Commissaire aux langues officielles.

Dans son rapport final, obtenu par La Presse canadienne, le commissaire Raymond Théberge reconnaît comme fondées huit plaintes qu’il avait reçues concernant une absence de service en français à l’aéroport Pearson de Toronto.

Ces huit plaintes sont reliées à des événements qui ont eu lieu entre juillet 2017 et mars 2018 à l’aéroport. Elles concernent des RSO ou « représentants du soutien opérationnel », qui sont mandatés par l’aéroport Pearson pour diriger les voyageurs, valider la documentation de voyage, confirmer les droits d’entrée ou de sortie des voyageurs des différentes zones et, au besoin, les aider à se servir des bornes de contrôle frontalier.

Il y a 189 de ces responsables qui travaillent à Pearson. De ce nombre 15 sont bilingues, selon la direction de l’aéroport.

Plaintes

Dans un cas, le passager avait demandé de l’aide à un responsable pour utiliser une borne de contrôle frontalier, parce qu’il y avait bourrage de papier qui l’empêchait d’insérer sa déclaration de voyage. Il avait posé des questions en français, mais s’était fait répondre en anglais seulement.

Dans un autre cas, un passager qui avait vu une affiche indiquant que les bagages devaient être récupérés avant de quitter la zone et qui s’était adressé poliment en français à un employé chargé de diriger les voyageurs avait été confronté à un responsable « visiblement irrité par sa question en français » et qui a « furieusement répondu en anglais » de circuler, relate-t-on dans le rapport.

Un autre plaignant a affirmé avoir demandé à deux responsables d’obtenir du service en français sur le chemin à suivre, et ce, quatre fois. Un des deux responsables a essayé de trouver un autre responsable bilingue pendant une minute, puis a avisé le passager que personne n’était disponible.

Dans un autre cas, le plaignant, qui parle à peine l’anglais, s’était adressé à un RSO pour lui demander où il devait aller et, comme réponse, s’était fait pointer une direction.

Version de Pearson

La direction de l’aéroport Pearson s’était défendue en affirmant qu’au moment de l’embauche, les RSO devaient être en mesure de répondre aisément aux questions de base en français et en anglais, puisqu’il s’agit de leur « fonction de travail principale qui consiste à fournir des directions aux passagers ».

Elle avait soutenu que ces responsables recevaient « des rappels quotidiens » au sujet de l’offre de service dans les deux langues officielles.

Elle disait aussi avoir mis en place un mécanisme de surveillance, en juin 2018, pour s’assurer que le service était de « qualité égale » dans les deux langues officielles.

« Manqué à ses obligations »

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles

Dans son rapport final, le commissaire aux langues officielles, M. Théberge, rappelle qu’en vertu de la loi, l’aéroport Pearson a l’obligation de fournir un service au public voyageur dans les deux langues officielles, puisque le nombre total de passagers embarqués et débarqués s’élève à au moins un million par an.

L’aéroport Pearson « a manqué à ses obligations d’offrir un service dans les deux langues officielles au public voyageur, comme l’exige la loi », écrit-il.

Il note, pour une des plaintes, que le fait de pointer une direction à un passager qui demande des renseignements ne constitue « pas un service de qualité égale ».

Pour les autres cas, il conclut que les plaignants « n’ont pas reçu l’offre active de service bilingue ni le service en français auquel ils avaient droit ». D’ailleurs, l’aéroport n’avait même pas fourni d’information pour expliquer ou réfuter les allégations des plaignants, souligne le commissaire.

Recommandations

Le commissaire donne 18 mois à l’aéroport Pearson pour « fournir une formation de base en français à tous les représentants du soutien opérationnel actuellement à l’emploi pour qu’ils puissent tous livrer une offre active ainsi qu’une prestation de service bilingue en tout temps lorsqu’ils dirigent des voyageurs ».

Il lui donne également six mois pour s’assurer que son mécanisme de surveillance lui permette de s’acquitter en tout temps de ses obligations linguistiques.

Il ne s’agit pas d’une première pour l’aéroport Pearson. Le Commissaire aux langues officielles relève avoir déjà mené une enquête sur les mêmes problèmes. Pearson avait alors affirmé avoir signé un contrat avec un nouveau fournisseur de services. Or, « le Commissariat continue de recevoir des plaintes portant sur la non-conformité à la Loi », rappelle-t-il.