Fortunato Orsini a les mains grugées par le psoriasis. La voix éteinte et les épaules voûtées d'un homme trahi.

Après la mort de sa femme, il y a huit ans, cet Italo-Québécois a commencé à travailler pour la communauté chrétienne de Béthel. Depuis, il a tout perdu: sa maison, son bureau de naturopathe (installé chez lui) et sa nouvelle conjointe. «J'habite maintenant une petite pièce pleine de boîtes. J'ai aussi perdu ma dignité d'homme. Ma fille et moi allons de dépression en dépression», nous a-t-il confié il y a deux jours, lors de la réunion du nouveau Regroupement des présumées victimes des abus pastoraux.

Il y a quelques années, il a bien voulu prêter 30 000$ au pasteur Mwinda Lezoka. Mais sans qu'il s'en rende compte, dit-il, le contrat mettait en jeu sa maison de 160 000$, qu'il a finalement perdue.

Démoli, l'homme n'a jamais porté plainte à la police. Mais comme plusieurs anciens fidèles, il vient de changer d'idée. Sa déclaration, assermentée devant un commissaire, vient de rejoindre celles d'une vingtaine d'autres personnes. «Nous comptons en recueillir au moins une dizaine d'autres et aller voir la police d'ici décembre, affirme un des leaders du Regroupement, Fred Robinson. Regardez, nous avons tous les contrats, toutes les copies de chèques remis à M. Lezoka.»

Poursuites civiles

Plusieurs ne pourront jamais récupérer les sommes qu'ils disent avoir prêtées au pasteur, puisque leur demande est prescrite selon la loi. D'autres ont toutefois déjà déposé des poursuites civiles. «À 69 ans, j'ai dû retourner travailler (comme infirmière) pour payer les dépenses liées au prêt de 140 000$ fait à Lezoka», nous a confié Céline Vital.

«Nous sommes honteuses d'avoir été bernées, mais nous voulons vous informer pour éviter les futurs détournements», a ajouté sa soeur Lucie Vital.

En septembre dernier, les deux femmes ont déposé une poursuite civile totalisant 177 000$ contre le pasteur Lezoka.

Réal Paquette lui réclame pour sa part quelque 150 000$ prêtés par l'ancien conjoint de sa mère, aujourd'hui décédé. Sa cause doit être entendue en janvier.

«Je lui ai donné 4000$ empruntés sur ma carte de crédit. Je n'ai jamais été remboursée», assure de son côté la jeune Stéphanie Benoît, convaincue que le pasteur visait les femmes et les mères seules. «Amenez l'argent, c'était sa seule prière», a-t-elle dit samedi.

Marie-Ange Fontilus aurait pour sa part remis au pasteur un chèque de 50 000$ dans un Burger King, car elle croyait qu'il en avait besoin pour éviter que sa maison de Lorraine ne soit saisie, alors qu'il est plutôt question d'un projet de copropriétés dans le contrat de prêt.

Le Parc Safari intente une poursuite

Dès 2008, le Parc Safari a déposé une poursuite civile contre M. Lezoka. Selon sa requête, une de ses fidèles et complices a forgé la signature des dirigeants du zoo pour lui permettre d'empocher 743 000$. En mai 2008, Lezoka a signé un chèque de 420 000$ à l'intention du Parc Safari, mais ce chèque a fait l'objet d'un arrêt de paiement.

Selon nos informations, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a tout récemment demandé un complément d'enquête à la Sûreté du Québec à ce sujet.