Je ne sais pas si vous me suivez sur Twitter mais, à la fin du repas au Greasy Spoon, la semaine dernière, j'ai envoyé un petit message sur ce réseau d'échanges de messages sur l'internet: «Dans un resto néo-rustique avec serveuses en chemises de chasse, tête d'orignal au mur et dessert dans un pot Mason. Avez-vous dit «me too»?»

«Me too», pour ceux qui ne le sauraient pas, est une expression de marketing consacrée qu'on utilisait il y a 202 ans, quand j'écrivais une chronique sur la pub, pour parler des produits qui arrivent en deuxième, troisième, ou nième place sur le marché en essayant de copier un succès.

Peu après l'envoi, les commentaires ont commencé à affluer. «Es-tu chez L'Orignal?», «Es-tu chez Grange?», «Greasy Spoon?»

J'ai failli remettre un prix à la personne qui m'a dit Greasy Spoon. Mais la variété des réponses vous donne une bonne idée du problème dont je veux parler ici et résumer par une autre réponse Twitter provenant d'un prof de cuisine: «Quoi? Encore un autre?»

Eh oui! Encore un autre. Encore un autre restaurant qui propose de la poutine revisitée, un hot chicken raffiné, des grilled cheese modernisés.

«Encore un autre», ai-je dit à une collègue rencontrée par hasard dans la rue, en sortant du restaurant et qui me demandait mon avis sur ce resto très populaire. «Et je parie que tu as mangé un tartare de thon?» a-t-elle rétorqué.

Comment a-t-elle pu deviner? C'est effectivement ce que j'ai choisi en entrée. Était-il bon? Oui, pas mal, très copieux, assaisonné à la française, avec câpres et moutarde. Mais il manquait de personnalité. Il tombait un peu à plat. Il aurait eu besoin de plus de piquant, de plus d'acidulé.

En fait, tout notre repas a été comme ça, chez Greasy Spoon. Aucun faux pas majeur. Mais un certain ennui. Un manque d'originalité. Comme si les cuisiniers et les propriétaires conduisaient sur le pilote automatique, avec des recettes sans éclat mais à la mode, qui marchent.

En fait, tout ce qui est à la mode (mais à la veille de ne plus l'être) se retrouve chez Greasy Spoon. Il y a les huîtres sur le comptoir. Il y a le hot chicken souligné par une purée de pommes de terre au fromage, version extracollante de la purée enrichie au fromage en grains et établie, il y a plusieurs années maintenant, par le Pied de cochon. Il y a les vins très Nouveau Monde (bonne chance pour trouver un blanc au verre si vous aimez les vins français) servis dans des verres à eau (qui ressemblent drôlement à ceux vendus chez Ikea). Il y a les boîtes à vin en bois qui servent d'étagères, le repas au comptoir, l'absence de nappes, le bois omniprésent. Il y a même le dessert servi dans un pot à conserve, comme on le voyait déjà jadis aux Chèvres quand Patrice Demers y a lancé ses petits pots de crème choco-caramel.

Il y a le nom, qui fait directement référence à la passion actuelle pour la cuisine populaire «renippée». Il y a la serveuse, super gentille, mais qui ne connaît pas les plats qu'elle sert et qui ne peut en identifier les ingrédients. Il y a le menu écrit sur un tableau noir. Classique, dites-vous et non pas effet de mode? OK, je vous l'accorde. Mais attention aux fautes d'orthographe. Oh! Et il y a aussi la photo de vache, accrochée dans le fond du resto (chez Grange, la vache est version fausses peaux sur les bancs), et il y a les conserves en décoration, mais au moins ce sont des boîtes de métal et non des pots de verre comme la déco au Petit italien et chez Jamie Kennedy à Toronto, entre autres.

Bref, chez Greasy Spoon, il y a toutes les tendances des cinq à huit dernières années. Si vous voulez les voir toutes d'un coup, allez-y. Vous ne serez pas déçu. Mais si vous prenez le doré, que l'on sert avec des choux-fleurs variés très croquants et très jolis, insistez pour qu'il ne soit pas trop cuit. Et si vous choisissez les huîtres, ajustez vos attentes. Les nôtres étaient correctes, mais sans plus. Aucun éclat d'océan en bouche comme on est en droit de s'y attendre. Et si le tiramisu à la citrouille est crémeux et riche et agréable, il goûte peu la citrouille, et la gelée à l'espresso qui le garnit manque nettement de finesse.

Mais n'oubliez pas de réserver. C'est très populaire.

Greasy Spoon

160, avenue Laurier Ouest Montréal 514-495-7666 www.greasyspoon.ca

> Prix: il faut compter une bonne soixantaine de dollars par personne, tout compris, si on prend un dessert et un peu de vin. (Six huîtres: 15$; tartare: 14$; doré: 24$; dessert: 9$, etc.)

> Vin: accent mis sur les vins du Nouveau Monde, dont plusieurs valeurs sûres.

> Genre: les propriétaires, qui ont déjà le Marché 27 et le Lucille's, rue Monkland, ont mis en place cet autre restaurant néo-rustique, avec tête d'orignal empaillée et poutine revisitée au menu, qui marche très bien et est fréquenté par une faune animée (beaucoup de jeunes dans la fin de la vingtaine et le début de la trentaine) qui a envie de voir du monde.

> Service: serveurs très gentils, mais qui peuvent difficilement répondre aux questions sur la cuisine et les vins.

> On y retourne? Probablement pas. Pourtant, si ce genre néo-rustique très à la mode - mais à la veille de ne plus l'être, j'insiste - vous plaît beaucoup, c'est une autre histoire. Car si la cuisine est loin d'être parfaite, l'ambiance générale et le style du resto tombent pile.