À l'aube des campagnes électorales de 2004 ou de 2006, commentateurs politiques et journalistes étaient nombreux à prédire la fin de la carrière politique de Stephen Harper. Mais cette fois-ci, les choses sont différentes.

Après deux ans et sept mois à la tête d'un gouvernement minoritaire, le chef conservateur se lance sur le sentier de la guerre en meilleure posture qu'il ne l'a jamais été pour un début d'affrontement électoral.

Ce qui ne veut pas dire pour autant que les choses seront faciles pour M. Harper, qui en sera à sa troisième campagne.

Pour la première fois, Stephen Harper fera une campagne où il devra défendre ses réalisations des dernières années, un bilan qui doit déplaire à plusieurs tranches de la population puisque les conservateurs n'arrivent pas à se hisser en territoire majoritaire dans les sondages.

«Ce qui aide vraiment beaucoup le Parti conservateur actuellement, c'est la faiblesse des autres, plus particulièrement de l'opposition officielle», croit Réjean Pelletier, professeur de sciences politiques à l'Université Laval.

Plus encore, les conservateurs occupent une niche distincte des trois autres partis qui, sur bien des enjeux, se ressemblent, fait valoir le professeur de communications l'Université d'Ottawa, Luc Dupont, spécialiste de l'image des politiciens.

«Au fond, si on parlait de produit sur l'étagère, c'est que le Parti conservateur, dans sa saveur, c'est le seul», estime M. Dupont.

Dans un environnement économique incertain, M. Harper fait le pari que les électeurs préfèreront le reconduire au pouvoir plutôt que de se tourner vers le libéral Stéphane Dion. Si former une fois de plus un gouvernement minoritaire est une chose possible pour les conservateurs, une majorité demeure encore un scénario moins évident. Mais M. Harper pourrait encore causer la surprise.

En 2006 personne n'avait prédit la percée des conservateurs au Québec, où les promesses des bleus avaient permis de rafler 10 comtés. Sa popularité, la taux de satisfaction à l'endroit du gouvernement, et aussi la possibilité pour les conservateurs de recruter des candidats à la feuille de route plus intéressante font en sorte que le parti risque fort de faire quelques gains.

Le fédéralisme d'ouverture exercé par les conservateurs a semblé atteindre sa cible être apprécié des Québécois.

Pour le ministre fédéral des Transports et lieutenant politique de M. Harper au Québec, Lawrence Cannon, la collaboration entre Ottawa et Québec a permis de rétablir ce qu'on pourrait appeler une paix constitutionnelle qui s'avérerait bénéfique pour les Québécois.

Pourtant le gouvernement du Québec a encore plusieurs revendications ce chapitre, dont la livraison d'une promesse importante qui est demeurée lettre-morte: l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser.

Les conservateurs devront aussi défendre leur bilan, qui ne fait pas l'unanimité. Les récentes coupes dans les programmes d'aide aux artistes, la poursuite de la mission en Afghanistan, leur approche en matière de justice criminelle ou en matière de lutte contre les changements climatiques ne sont que des exemples de sujets qui peuvent être ramenés sur le tapis par les adversaires.

«Beaucoup de thèmes peuvent être exploités par les autres partis contre les conservateurs, admet Réjean Pelletier. La transparence, l'imputabilité, tout ce renouveau qu'il devait avoir à la Chambre des communes, plus de pouvoir aux députés. Il n'y a absolument rien qui s'est produit, au contraire on a concentré tous les pouvoirs autour du chef.»

Les conservateurs ont également une autre faiblesse dont on parle un peu moins, mais qui en campagne n'est pas à dédaigner. Au Québec, ils ont beau disposer de ressources financières supérieures à leur principal adversaire, leur organisation sur le terrain n'est pas aussi élaborées que celle du Bloc québécois.