Avant de quitter pour de bon le Parlement et la politique à la fin du mois, le député libéral de Don Valley Ouest à Toronto, John Godfrey, aura réalisé un petit exploit à sa façon en faisant en sorte que le gouvernement fédéral prenne au sérieux le concept de développement durable.

Le ministre de l'Environnement, John Baird, et les conservateurs ont en effet appuyé tout récemment sans réserve le projet de loi C-474 de M. Godfrey qui oblige désormais le gouvernement à avoir une stratégie globale en matière de développement durable, c'est-à-dire des buts et des objectifs précis qui contribueront à l'élimination des principaux problèmes environnementaux.

Sans tambour ni trompette, le projet de loi est a reçu la sanction royale le 24 juin dernier.

«C'est sans aucun doute le testament politique de John Godfrey, affirme le critique du Bloc québécois en matière d'environnement, le député Bernard Bigras. C'est la première fois qu'il y a une obligation législative à une mise en place d'une stratégie environnementale. On oblige les ministères à avoir une stratégie de développement durable et un peu plus de rigueur, ce qui n'était pas le cas dans le passé.»

La nouvelle loi va assez loin. Par exemple, si un haut fonctionnaire ne parvient pas à atteindre les objectifs environnementaux décidés à l'avance dans les dossiers dont il est responsable, il sera sanctionné et privé de bonus. Autrement dit, le gouvernement est tenu désormais de se fixer des objectifs environnementaux lorsqu'il fait un geste, peu importe le champ d'action.

«Pendant des années, a déclaré John Godfrey, le Royaume-Uni et la Suède ont exigé de leur gouvernement qu'il élabore des stratégies nationales de développement durable. Ainsi, leur bilan environnemental a considérablement dépassé celui du Canada. Cette loi rapprochera davantage les politiques canadiennes de celles des pays européens phares.»

M. Godfrey a élaboré sa loi en collaboration avec la vérificatrice générale du Canada, la Fondation Suzuki et le groupe environnemental The Natural Step. La loi requiert d'ailleurs que la vérificatrice générale et le commissaire à l'environnement s'assurent que le gouvernement fédéral ait des objectifs environnementaux clairs et qu'il les respecte. La vérificatrice et le commissaire doivent faire rapport directement aux Canadiens du résultat de ces contrôles. Il n'y a pas de «poudre aux yeux» dans cette façon de faire, selon John Godfrey, «seulement une présentation objective de la réalité».

Un autre élément de cette nouvelle loi oblige le gouvernement fédéral à mettre sur pied un comité du Cabinet chargé du développement durable, présidé par le ministre de l'Environnement, qui doit surveiller l'élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie nationale de développement durable. Ce même comité sera épaulé par un secrétariat du développement durable au sein du Bureau du Conseil privé.

Le Bloc québécois a négocié serré jusqu'à la fin avec John Godfrey et a obtenu que le projet de loi se limite au gouvernement fédéral et qu'il ne s'ingère pas dans les champs de compétence du Québec.

«Ma seule déception, commente Bernard Bigras, c'est que notre amendement sur ce que nous appelons l'évaluation stratégique environnementale n'ait pas été retenu. Nous voulions que chaque politique, que chaque plan et que chaque programme gouvernemental soit soumis à ce type d'évaluation. Mais les libéraux et les conservateurs ont refusé d'appuyer cet amendement.»

M. Bigras estime néanmoins que la loi marque un progrès important en ce qui a trait à la stratégie fédérale de développement durable.

John Godfrey, de son côté, part heureux. «Je n'aurais pas pu imaginer, dit-il, un meilleur cadeau d'adieu que l'adoption de ce projet de loi. Je suis heureux que ma dernière initiative en tant que parlementaire ait été de faire en sorte que ce texte devienne loi.»