L'été pluvieux fait le malheur des uns et le bonheur des autres chez les cultivateurs de petits fruits québécois. Pendant que les producteurs de framboises connaissent une saison désastreuse, la récolte de bleuets s'annonce comme l'une des plus abondantes jamais vues dans la province.

À quelques centaines de mètres des quartiers résidentiels de Blainville, Gérard St-Aubin est presque seul dans son petit champ de framboises. Par beau temps, des dizaines de cueilleurs se massent autour des arbustes. Mais, comme tant d'autres jours cet été, le ciel gris émet un grondement menaçant. «Quand le vent vient du sud, c'est qu'il va pleuvoir», tranche le propriétaire de la Fraisière de la Vieille Grange, un brin dépité.

Sa récolte de framboises est un désastre. Les averses qui se sont abattues presque tous les jours sur cette région du nord de Montréal ont complètement gâché les petits fruits rouges.

«C'est un fruit extrêmement délicat qui n'aime pas la pluie, résume l'agriculteur. Lorsqu'il pleut, il faut le traiter contre la moisissure, sinon les fruits qui vont en épicerie pourrissent au bout de deux ou trois jours.»

Même son de cloche chez Lyne Métayer, qui exploite la ferme Lise&Gilles Métayer, à Sainte-Anne-des-Plaines. «Je pense qu'on a une perte de 30 à 40% de la récolte, dit-elle. Les fruits tombent par terre, certains pourrissent même sur le plant.»

Au cours des dernières années, les producteurs québécois se sont battus pour amener les supermarchés à délaisser les framboises californiennes pour s'approvisionner chez eux. «Toutes les chaînes avaient passé des commandes, indique Louis Bélisle, cultivateur de Saint-Eustache et vice-président de l'Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec. C'est dommage parce que c'était bien parti.»

Cet important producteur a perdu environ 40% de sa récolte. Comme d'autres, il a dû informer ses clients que ses framboises ne pourraient satisfaire à leurs normes de qualité. Les fruits, gorgés d'eau, moisissaient sur les tablettes des épiceries après seulement quelques heures.

Voilà pourquoi la plupart des supermarchés proposent des framboises californiennes en plein été.

«On n'a presque pas eu de framboises québécoises, confirme Anne Hélène Lavoie, porte-parole de Sobey's, propriétaire de la chaîne IGA. Seuls quelques magasins ont pu en avoir parce qu'ils font affaire directement avec des producteurs.»

«Depuis 1983 que je fais de la framboise, confie Louis Bélisle, c'est la première fois que je vois du temps aussi mauvais.»

Tout baigne pour les bleuets

Malgré tout, Lyne Métayer et Gérard St-Aubin gardent le sourire. Car un autre petit fruit qui pousse sur leurs terres leur fait oublier la mauvaise saison des framboises. La météo qui a décimé les fruits rouges fournit des conditions idéales pour la culture du bleuet.

Contrairement aux framboises, les bleuets restent accrochés à leur arbuste lorsqu'ils sont mûrs. Leur peau les protège contre les excès de pluie. Et les chutes de neige colossales de l'hiver dernier ont protégé les bourgeons.

«Je ne peux pas me plaindre, explique Bruno St-Aubin, fils de Gérard, rencontré dans sa bleuetière. Je n'ai jamais produit autant de fruits.»

Au Lac-Saint-Jean, qui produit 90% des fruits bleus de la province, le président du Syndicat des producteurs de bleuets jubile. «On a eu de la chaleur, on a eu de l'eau, explique Gérard Baril. Même si la récolte va être un peu retardée à cause du manque de soleil, on pense que ça pourrait être l'une de nos meilleures années s'il n'y a pas de grêle.»