Malgré des heures passées à leurs côtés en plein vol, nos voisins de siège demeurent souvent anonymes. Notre collaboratrice a voulu briser cette bulle invisible, faisant des découvertes aussi étonnantes qu'enrichissantes.

Rien de plus facile que d'entamer une conversation avec une mère voyageant seule avec ses enfants. C'est peut-être même une règle non écrite de solidarité et d'entraide entre parents?

Absatou a les bras pleins et accepte volontiers l'aide que je lui propose. Elle s'apprête à faire un long périple avec Aida, 2 ans et Awa, 4 mois.

«Je vais visiter ma famille à Saint-Louis, au Sénégal, pendant quatre mois. J'en profite pendant que je suis en congé de maternité. Là-bas, j'aurai beaucoup de bras pour m'aider!», dit-elle avec ce calme et ce sourire qui ne la quitteront pas du vol.

Elle me raconte qu'elle travaille comme préposée aux bénéficiaires, mais rêve de faire des études pour devenir infirmière. Je sens effectivement chez elle une force et une bienveillance tout indiquées pour exercer cette profession.

«Et vous habitez Montréal depuis longtemps?

- Trois ans. Après le Sénégal, j'ai vécu six ans en France, puis j'ai suivi mon mari au Québec. On aime beaucoup ça. Ce qui m'a le plus surprise, et ce, positivement, c'est la multiethnicité. Ce n'est pas comme ça à Paris. Je veux dire, les différentes communautés ne se mélangent pas autant dans la Ville Lumière. On a habité le quartier Côte-des-Neiges, et ça m'a beaucoup frappée.»

La petite Aida réclame sa mère et commence à pleurnicher. Cette conversation entre adultes ne l'intéresse pas. J'aide sa mère à préparer son biberon et le lui donne pendant qu'Absatou allaite bébé Awa. 

J'ai mille et une questions pour Absatou, mais elles devront attendre. Aida est fatiguée, n'arrive pas à dormir, pleure beaucoup et sa maman ne parvient pas à la calmer. Je propose à Absa («Tout le monde m'appelle Absa») de m'occuper du bébé pendant qu'elle essaie d'endormir sa «grande» de 2 ans. 

Et c'est ainsi que je suis devenue gardienne d'enfants le temps d'un vol Montréal-Bruxelles. J'ai arpenté les allées de l'avion des dizaines de fois, avec ce tout petit bébé dans les bras qui sentait bon la poudre et le lait maternel. J'avais oublié à quel point les bébés déclenchent autant de regards attendris et de conversations spontanées.

J'ai dû avouer à Absa que j'avais usurpé son identité à quelques reprises en remerciant gentiment les passagers qui me complimentaient pour mon adorable bébé. 

À l'arrivée à Bruxelles, la grande dort enfin. Je la prends dans mes bras pour aider Absa - qui n'a eu aucun répit - à descendre tous ses petits paquets de l'avion.

La petite famille s'apprête à reprendre un vol de six heures pour le Sénégal, et Absa, mère Courage, affiche encore son plus beau sourire.

Photo Sophie Fouron, collaboration spéciale

Absatou Diakhate et ses deux filles