Royal Caribbean devancera d'une semaine le lancement de l'Allure of the Seas, qui partagera avec son jumeau, l'Oasis of the Seas, le titre de plus gros paquebot du monde. Le mastodonte de 225 282 tonnes pour une capacité de 5408 passagers fera sa première croisière commerciale le 5 décembre 2010, au départ de Port Everglades en Floride, alors que le voyage inaugural était programmé pour la semaine suivante. C'est la pression de la demande qui a incité la compagnie à devancer la date du lancement, ce qui lui permettra, détail non négligeable aux yeux des actionnaires, d'empocher une semaine de revenus supplémentaire.

L'engouement pour les nouveaux méganavires dotés d'attractions et d'équipements de plus en plus extravagants ne se dément pas. Tout comme son jumeau, l'Allure of the Seas est aménagé en «quartiers» distincts les uns des autres (l'un d'entre eux, Central Park, est conçu, comme il se doit, autour d'un véritable parc), ce qui fait de ces navires de véritables villes flottantes. Beaucoup d'amateurs réservent leur cabine sur ces paquebots sans se soucier des ports d'escales et, même, de la zone géographique où ils navigueront. Pour eux, le navire est devenu la destination.

 

Le succès commercial de ces mastodontes des mers est tel qu'on se demande jusqu'où les compagnies de croisières pousseront l'escalade sur la voie du gigantisme. «Je ne crois pas qu'on construira des paquebots de plus de 225 000 tonnes, estime Vicky Freed, vice-présidente principale ventes de Royal Caribbean. Je peux me tromper: si vous m'aviez posé la même question il y a cinq ans, alors que nous venions de mettre en chantier le Freedom of the Seas qui, lui, jauge 158 000 tonnes, je vous aurais répondu qu'on avait atteint un sommet. Mais la capacité des installations portuaires est limitée et à plus de 225 000 tonnes, trop de ports d'escales nous seraient interdits.»

Le prix de la démesure

Et lorsqu'on lui demande si, avec l'engouement suscité pour ses immenses navires, Royal Caribbean n'éprouve pas de difficulté à vendre les plus petits paquebots de sa flotte, Vicky Freed répond: «Beaucoup de gens me posent cette question, mais il ne faut pas oublier qu'un bonne partie de la clientèle ne choisit pas seulement le navire: elle choisit aussi l'itinéraire ou encore le port de départ. Les consommateurs qui veulent faire une croisière en Europe ou en Amérique du Sud ne réclameront pas l'Oasis ou l'Allure: ils demanderont un navire affecté à l'itinéraire qui les intéresse. Et le déploiement de notre flotte est orchestré de manière à répondre à divers types de besoins. De la même manière, le croisiériste qui préfère partir de Los Angeles ou de New York choisira le paquebot adéquat. D'autre part, les tarifs sont ajustés à la hausse pour les nouveaux navires.»

Après les «quartiers» ou districts, les glissades d'eau, les piscines à surf, les pelouses pour la pratique du golf (comme sur le Solstice, un navire de Celebrity, une filiale de Royal Caribbean), quelles seront les prochaines innovations extravagantes que les compagnies de croisières introduiront à bord des nouveaux navires? «Nous travaillons là-dessus, mais je ne peux rien dévoiler, répond Vicky Freed. Il est certain qu'il y aura des innovations et elles seront conçues en fonction des attentes des consommateurs. Les goûts du public changent: le client a accès à l'internet et à une multitude de sources d'information, il voyage et ses aspirations en matière de vacances évoluent en conséquence. Prenons Dubaï: qui aurait pu dire, il y a cinq ans, que cela deviendrait un port d'attache si populaire? Nous menons continuellement des sondages et des enquêtes pour déterminer ce que la clientèle veut et nos innovations sont conçues pour répondre à ces aspirations.»

Pas de crise en vue

L'industrie des croisières bénéficie d'un taux de croissance de l'ordre de 6% à 8%. En 1990, 3,7 millions de personnes avaient acheté une croisière. En 2008, ce nombre avait grimpé à 13 millions. Vicky Freed est persuadée que ce rythme de progression n'est pas menacé d'essoufflement et que la demande continuera à augmenter encore longtemps. «Las Vegas et Orlando attirent chacun plus de 40 millions de visiteurs par année, fait-elle observer. Or, une croisière permet de visiter plusieurs destinations dans le cadre d'un même forfait et elle fournit un environnement très sûr et, ce, à des tarifs généralement moindres. Un jour, nous dépasserons Las Vegas et Orlando!»

Même si elles ont été moins touchées par la crise économique que les entreprises d'autres secteurs de l'industrie du voyage, les compagnies de croisières ont ressenti un flottement de la demande. Mais pas sur le marché canadien, qui s'est avéré plus stable. «Les Canadiens prennent de plus longues vacances que les Américains, observe Vicky Freed. En hiver, ils sont plus portés à partir au soleil, ce qui en fait des clients tout désignés pour nos navires affectés aux Caraïbes. Ils sont généralement plus raffinés, donc plus enclins à choisir des destinations comme l'Europe ou l'Australie. Pour les compagnies de croisières, c'est un marché plus réceptif que le marché américain.»