À mon arrivée à Chambly, Nicolas Bourgault, brasseur artisanal et propriétaire de la brasserie Bedondaine et Bedons ronds, revenait tout juste de chez le maraîcher. Dans son camion: 12 caisses de bleuets du Québec, cueillis le matin même en Montérégie. «Voilà l'ingrédient principal de ma prochaine création», me dit-il en me saluant.

Pour M. Bourgault, faire de la bière est un art. Alors, lorsqu'il brasse de la bière aux fruits, c'est uniquement avec des produits frais. Il lui faudra donc 120 livres de bleuets, qu'il hachera, casseau par casseau, à l'aide d'un petit robot culinaire, afin de concocter 300 litres de bière. «Mes produits ne contiennent jamais de sucre ajouté, ni sirop, ni arôme artificiel, ni accélérant et je n'utilise aucun système de filtration. Pour moi, une bière aux fruits doit être faite à partir de vrais fruits et, surtout, ça doit goûter les fruits», dit-il.

Un incorruptible de la bière? Tout à fait. M. Bourgault fait les choses à sa manière, comme un puriste. «Je suis un brasseur avant tout, et non un homme d'affaires. Je n'ai pas l'intention d'embouteiller mes produits, comme c'est la tendance chez les microbrasseurs. Pour ce faire, il faudrait que j'augmente ma production, ce qui m'obligerait à des compromis. Et ça, ça ne m'intéresse pas», explique ce sympathique père de trois enfants. Inflexible dans ses principes, mais aussi inflexible avec ses clients. Si vous voulez le faire sortir de ses gonds, demandez-lui du sel. Coup de pied au derrière garanti!

Sa brasserie, Bedondaine et Bedons ronds, a vu le jour il y a cinq ans, dans le Vieux-Chambly, à un jet de pierre du fort historique. Ce nom inusité provient de son surnom à lui, Bedondaine, qui date de l'époque de ses premières expériences brassicoles, et Bedons ronds, car le projet de se lancer dans la bière (au sens figuré) a été pris pendant que sa conjointe, Stéphanie, portait en son ventre leur troisième fille.

Sa passion pour ce précieux nectar se manifeste dès l'âge de 16 ans, lorsqu'il commence à collectionner des bouteilles de bière, avant même d'en boire leur contenu (vraiment?). Ce passe-temps se transforme peu à peu en obsession. Il se met à ramasser, de façon boulimique, tout objet qui touche l'industriel brassicole: ouvre-bouteille, plateau de service, affiche, sous-verre, baril de chêne, etc.

Vingt ans plus tard, 20% de sa collection personnelle, qui compte maintenant 26 000 objets, ornent les murs, les étagères et même les plafonds de son établissement, véritable lieu de mémoire de l'histoire de la bière au Québec. Parmi les pièces exposées, notons un vieux plateau de bière de la brasserie Champlain (qui a fermé ses portes vers 1950), la première bouteille de la Molson Export (1903) et de nombreuses affiches publicitaires, dont une mettant en vedette Olivier Guimond: «Lui, y connaît ça!»

De collectionneur à brasseur

Il ne restait qu'un pas à franchir pour que le collectionneur devienne apprenti brasseur. Ce fut chose faite lorsque sa conjointe lui a offert en cadeau du matériel pour brasser de la bière à la maison. «Après quelques expériences décevantes, je me suis acheté la Cadillac du brasseur maison, que j'ai payé avec mes prêts étudiants, un vaste dispositif que je branchais sur la prise 220 volts de ma cuisinière!» raconte-t-il. À l'époque, M. Bourgault et sa compagne habitaient un petit appartement du Plateau-Mont-Royal... De brassin en brassin, il met ses recettes au point, qui font aujourd'hui le bonheur des papilles gustatives de ses clients.

Pourtant, rien ne destinait cet ancien étudiant de l'UQAM au monde brassicole. Son baccalauréat, il l'a fait en sexologie! Quoique distante de l'industrie de la bière, sa formation universitaire lui sert tous les jours, assure-t-il. «Il faut beaucoup d'amour pour brasser de la bière!» rigole-t-il. Comme en couple, il faut surtout éviter la routine.

De la bière, Nicolas Bourgault en brasse beaucoup à la fois. Ses pompes en contiennent 17 variétés. Il a ses classiques, offertes en tout temps (à moins d'épuisement des stocks), comme L'Amère veilleuse (ambrée), La Bariteau (rousse), La Noix de marmotte (inspiration brown ale) et Le Bedon (oatmeal stout). De plus, il y a les cuvées saisonnières, comme la bière aux fraises, et les bières offertes selon l'humeur du brasseur. Sur place, des palettes de dégustation permettent de découvrir un éventail de bières maison.

Avis aux bièrophiles: au moment où vous lisez ces lignes, la bière aux bleuets de Nicolas Bourgault est probablement mûre pour la dégustation. Faites vite, les quantités sont limitées!

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Bedondaine et Bedons Ronds

255, rue Ostiguy, Chambly, 450-447-5165

www.bedondaine.com

Où trouver leurs bières? Sur place seulement.

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Cinq endroits où savourer une bière en Montérégie

1. Le Fourquet-Fourchette: Le premier mot évoque l'outil qui sert à brasser la bière, le second, la gastronomie de ce restaurant, qui met les bières d'Unibroue à l'honneur.

1887, avenue de Bourgogne, Chambly

450-477-6370

2. Le Loup rouge: Cette microbrasserie de Sorel-Tracy rappelle, par son nom étrange,

la mémoire de Wolfred Nelson, dit le «Loup rouge», patriote du Bas-Richelieu.

44, rue Prince, Sorel-Tracy

450-551-0660

3. Le Bilboquet: Une des pionnières des microbrasseries au Québec, ses produits sont maintenant distribués chez près de 400 détaillants.

1850, rue des Cascades Ouest, Vieux-Saint-Hyacinthe

450-771-6900

4. Bistro des bières belges: Toute une variété de bières du pays de Jacques Brel, mais les bières de microbrasseries ne sont pas en reste.

2088, rue Montcalm, Saint-Hubert

450-465-0669

5. Bocké resto-bière: Plus de 80 bières au menu et une cuisine qui ose avec le houblon, comme dans jambon à la Raftman ou bavette à la Maudite.

10, boul. de Mortagne, Boucherville

450-655-6770