Un séjour dans un cinq-étoiles au Québec garantit-il une nuit de rêve ? Et un hôtel qui affiche deux étoiles est-il nécessairement synonyme de vieux tapis ? Rien n'est moins sûr. D'ailleurs, les Québécois disent se fier peu aux étoiles quand vient le temps de choisir une chambre. Les étoiles auraient-elles perdu de leur pertinence ?

Les voyageurs québécois semblent faire peu de cas du nombre d'étoiles d'un établissement, car elles n'influencent que 9 % d'entre eux lorsque vient le temps de réserver une chambre, révèle un sondage CROP-La Presse* réalisé en octobre. La situation géographique et les services offerts à l'hôtel, la réputation de la chaîne ainsi que les commentaires en ligne figurent en tête de liste des critères observés par les vacanciers.

Le Québec dispose d'un système de classification obligatoire pour tous les établissements hôteliers. De l'hôtel de luxe au motel en passant par le petit gîte, les propriétaires ne peuvent s'attribuer eux-mêmes des étoiles. Tous reçoivent la visite, une année sur deux, d'un classificateur de la Corporation de l'industrie touristique du Québec (CITQ).

Celui-ci passe au peigne fin la chambre, la literie, les serviettes, la salle de bains, le tapis, le matelas et le mobilier pour ensuite attribuer une note basée aussi sur la dimension des pièces. Des détails comme le support à bagages, le service aux chambres, la présence d'un portier donnent également des points. C'est ce résultat qui déterminera le nombre d'étoiles affichées sur le panonceau de l'établissement.

Mais peut-on se contenter de ces étoiles quand vient le temps de réserver une chambre ? Un établissement affichant quatre étoiles est-il assurément supérieur à son voisin à qui on en a attribué trois ? Non, estiment de nombreux observateurs. « Je trouve que le système des étoiles, c'est un système qui est assez confus », pense ainsi David Crête, professeur en marketing à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). S'il considère que les gens s'attendent évidemment à recevoir un meilleur service en allant dans un cinq-étoiles, il ne pense pas que les consommateurs connaissent toutes les subtilités qui distinguent les catégories d'hébergement. 

Dans une même catégorie d'hôtels, « il y a beaucoup de disparités », reconnaît Benoît Sirard, président de l'Association Hôtellerie Québec (AHQ) qui dirige également le Domaine Château Bromont. Deux quatre-étoiles, par exemple, peuvent ainsi offrir une prestation très différente.

DES ÉTOILES « LÉGITIMES »

La CITQ, qui défend la légitimité du système, n'a pas caché sa surprise lorsqu'elle a pris connaissance des résultats du sondage. « La donnée selon laquelle le nombre d'étoiles n'influence que 9 % des répondants nous étonne beaucoup, admet Claude Cloutier, directrice des communications de la Corporation. Au cours des dernières années, des centaines d'exploitants d'établissements d'hébergement touristique ont fait appel au service de scénarisation de la CITQ pour augmenter leur classement, car ils estiment qu'il est important pour leur clientèle. »

GAGNER DES ÉTOILES

La ministre du Tourisme, Dominique Vien, estime pour sa part que le présent système est un « gage de sécurité et un gage de qualité ». Elle rappelle également que les critères d'évaluation ont été déterminés avec les hôteliers eux-mêmes. « C'est l'industrie qui s'autorégule », a-t-elle souligné au cours d'un entretien téléphonique.

Les hôteliers, tous tenus de se soumettre à une évaluation de la CITQ, n'ont en revanche pas tous la même appréciation du système.

Si certains crient victoire lorsqu'une étoile s'ajoute à leur panonceau, d'autres peinent à aller chercher la quatrième ou la cinquième étoile convoitée, et ce, même s'ils suivent les judicieux conseils de l'organisme. L'Auberge Saint-Antoine à Québec en est un bon exemple. Après avoir séjourné incognito dans cet établissement, La Presse a tenté en vain de trouver les failles qui privaient ce prestigieux hôtel d'une cinquième étoile. Décor magnifique, service impeccable, chambres douillettes... la liste des qualités de l'auberge est longue. « On ne sait pas ce qu'il faut qu'on fasse pour avoir cinq étoiles, confie Ingrid Lemm, directrice du marketing de l'Auberge Saint-Antoine. Nous sommes un hôtel design et ça n'entre pas facilement dans une catégorie. »

Pourtant, l'établissement, membre de l'association Relais & Châteaux, a apporté de nombreux changements à son décor à la suggestion de la CITQ. « On fait des changements, mais nous sommes toujours déçus », ajoute Mme Lemm.

Autre histoire du côté de l'Auberge du lac Saint-Pierre à Trois-Rivières. Longtemps quadruple étoilé, l'établissement a perdu une étoile il y a deux ans, peu avant que les actuels propriétaires, Alain Pénot, Geneviève et Stéphane Lesieur, prennent la relève. Le frère et la soeur ont rénové l'endroit de fond en comble, en suivant les recommandations formulées par le CITQ : colmater les fissures au plafond des salles de bains, rafraîchir le carrelage, augmenter les sources d'éclairage. Leurs efforts ont été récompensés : ils ont récemment appris qu'ils regagnaient le groupe des quatre-étoiles.

LE POIDS DES COMMENTAIRES

Plus que les étoiles, les clients à la recherche d'une chambre semblent en fait grandement influencés par les impressions que les voyageurs laissent en ligne.

« La standardisation [par les étoiles], oui, elle est importante, affirme Frédéric Gonzalo, consultant et spécialiste marketing en e-tourisme. Mais aujourd'hui, le consommateur va valider son choix en allant voir les commentaires. »

Des hôteliers admettent d'emblée être à l'affût des avis publiés sur l'internet. Michelle Doré, présidente de l'Association hôtelière de la région de Québec et également propriétaire de l'Auberge Place d'Armes, fait partie du lot. « Certains clients vont lancer une opinion qui peut faire très mal paraître l'établissement », souligne Mme Doré, elle-même victime de fausses critiques dévastatrices de la part d'un internaute... qui visait en fait un autre établissement.

« Dans l'industrie hôtelière, il y a un lien d'amour-haine avec des sites comme TripAdvisor », ajoute M. Gonzalo. Selon lui, la meilleure attitude à adopter pour les hôteliers est de prendre le temps de répondre aux commentaires négatifs et solliciter ceux provenant des clients satisfaits.

La qualité du site web d'un lieu de séjour influence également les consommateurs, croit-il. « C'est clair et sans équivoque, poursuit le spécialiste. Un site bien fait, avec une garantie du meilleur prix clairement affichée et de belles images... ça vend bien, surtout si on y greffe des commentaires de voyageurs. »

Voilà, pour les hôteliers, une façon concrète d'attirer des clients dans leurs chambres. « Il faut que les étoiles parlent », conclut David Crête.

*La collecte de données s'est déroulée en ligne du 15 au 18 octobre 2015 par le biais d'un panel web. Au total, 1000 questionnaires ont été complétés.