Les deux pieds dans le ruisseau Hunker, je secoue sous l'eau la batée (une sorte de grande assiette de métal) pour délier la terre et les cailloux qui s'y trouvent.

Puis, je donne un angle à la battée et je la plonge à plusieurs reprises pour faire sortir les objets en suspension. Je regarde ce qui reste. Je secoue encore. Je plonge encore. Et encore. Je regarde... et je vois deux ou trois petits points jaunes, un peu ternes.

De l'or! J'ai trouvé de l'or!

Pas de quoi prendre ma retraite, mais c'est de l'or quand même.

Il y a toujours des chercheurs d'or au Klondike aujourd'hui, et pas uniquement des touristes comme moi. En fait, on a extrait plus de 50 000 onces d'or placer (de l'or en particules, en paillettes ou en pépites qu'on trouve mêlé à la gravelle) en 2009, d'une valeur de 47 millions de dollars. C'est loin du million d'onces d'or extraits en 1900, mais c'est quand même supérieur aux 4000 onces d'or extraits en 1972, pendant les années creuses.

Après les chercheurs d'or artisanaux de la fin du XIXe siècle et les exploitations industrielles du début du XXe siècle, le Yukon est revenu à l'ère des petites exploitations familiales. Comme celle de David Millar, Goldbottom Mine, au confluent des ruisseaux Hunker et Goldbottom, à 14 km de Dawson City.

C'est une exploitation typique: David Millar exploite seul la mine qu'il a reprise de son père. Parfois, il se fait aider par un assistant, ou par un de ses trois adolescents. Ce qui n'est pas typique, c'est que Goldbottom Mine offre des visites touristiques.

Il est possible de se rendre directement à la mine, mais je me félicite d'avoir plutôt choisi de me joindre à l'excursion à partir du centre-ville de Dawson. Pendant le trajet, notre guide, Paul Robitaille, nous fait rapidement un historique de l'exploitation minière au Yukon et dresse un portrait de la situation actuelle. Lorsque nous arrivons à Goldbottom, le décor est en place.

Au début du XXe siècle, Goldbottom était un petit village. Aujourd'hui, il ne reste qu'un petit hôtel que la famille Millar a transformé en musée. On y trouve divers artefacts liés à la ruée vers l'or, mais aussi... des défenses de mammouth!

«Là où il y a des mammouths, il y a de l'or», blague notre guide.

Lors des dernières grandes glaciations, le niveau des mers a tellement baissé qu'une bande de terre est apparue entre le nord de l'Asie et de l'Amérique du Nord, permettant aux mammouths asiatiques de traverser à pied sec le détroit de Bering.

Le climat du nord-ouest du Yukon était si sec que les glaciers ne se sont pas étendus ici et ils n'ont pas raclé profondément les sols. Bref, l'or est resté dans la région. Et les mineurs découvrent encore aujourd'hui des restes de mammouths et de castors géants lorsqu'ils fouillent le sol.

Notre petite visite à Goldbottom Mine nous permet d'examiner la machinerie actuelle et, finalement, de tenter notre chance avec la bonne vieille batée traditionnelle.

Nous enfilons des bottes de caoutchouc, marchons vers un énorme tas de terre et de cailloux, emplissons notre batée à l'aide d'une pelle et descendons dans le ruisseau. Et la chance me sourit...

Il y a deux autres endroits près de Dawson où les touristes peuvent essayer de trouver de l'or. L'Association touristique du Klondike a obtenu un claim sur le ruisseau Bonanza et permet aux visiteurs de tenter leur chance, gratuitement, pourvu qu'ils utilisent les instruments traditionnels: la pioche, la pelle et la batée. Le Claim no 6 avait d'abord été jalonné en 1896 par un certain F. Ladouceur. Ce claim a évidemment été prospecté et dragué de fond en comble.

Pour plus de certitude, et pour apprendre à se servir adéquatement de la batée, on peut d'abord aller au Claim no 33, également au bord du ruisseau Bonanza. Pour 13$, on fournit aux clients une batée déjà remplie de terre et de cailloux et où on a caché deux ou trois paillettes d'or.

Je réussis à mettre la main sur ces paillettes, mais à mes yeux, elles ont moins de valeur que mes petits points jaunes révélés par l'eau du ruisseau Hunker.