Il a appartenu à trois empereurs, à Frédéric de Hohenstauffen, dit Barberousse, à Charles Quint et à Guillaume II, alors empereur d'Allemagne et roi de Prusse. Et pour en remettre un peu, Charlemagne, lui, a déjà été propriétaire de la montagne où il se dresse.

Dominant les environs sur son éperon rocheux de quelque 800 mètres, grande vedette des Vosges, le Haut-Koenigsbourg est le château fort le plus visité d'Alsace et un des sites les plus courus de toute la France. Mais est-ce vraiment un château fort de la fin du Moyen-Âge? Eh bien oui... et non!

Construit au XIIe siècle, il fut pillé par des brigands, puis dévasté par les Suédois en 1633. Ce n'est qu'au tournant du XXe siècle que le Kaiser, qui voulait laisser sa marque indélébile sur la région, décide de redonner vie à ces ruines prestigieuses. Il confie le projet à l'architecte et spécialiste du Moyen-Âge Bodo Ebhardt qui entreprend, en suivant une démarche très rigoureuse appuyée de multiples recherches, de restaurer ce qui pouvait l'être et, pour le reste, de reconstruire le château tel qu'il était sans doute au XVe siècle.

Pendant huit ans, de 1900 à 1908, des ouvriers ont travaillé d'arrache-pied. Cette année, on fête le centenaire de cette restauration magistrale. D'immenses photos de la forteresse telle qu'elle était juste avant les travaux donnent d'ailleurs une idée de l'entreprise colossale que cela a dû représenter. Avec le même soin qu'a mis Ebhardt sur l'architecture, on a meublé et décoré le château pour représenter la vie qui aurait pu s'y dérouler au XVe siècle.

Par beau temps, on dit que, de l'immense château de grès rose, on peut voir la plaine d'Alsace, les ballons des Vosges, la Forêt-Noire et même les Alpes. Mais le jour de notre visite, il pleuvait et le château, tapi dans les nuages, offrait plutôt une vision brumeuse un peu surréaliste.

À l'intérieur, plusieurs détails nous renseignent sur la vie à l'époque, comme ces poêles très colorés, immenses, dont l'argile emmagasinait la chaleur alors que la céramique des tuiles la faisait rayonner. Mais la visite nous relate aussi l'Histoire. Dans la salle de l'Empereur, l'allégorie est claire. Ailes grandes ouvertes, l'aigle impérial peint au plafond prend possession de l'Alsace et de la Lorraine dont on retrouve les armoiries sur les murs plus bas. La Salle des armes impressionne avec toutes ces hallebardes, arbalètes et armes de toutes sortes. Mais il ne faut pas non plus manquer le donjon ou les cuisines. À l'extérieur, l'escalier hexagonal, le pont-levis et le jardin médiéval nous plongent eux aussi dans le passé.

Étrangement, aucune des familles impériales n'a vraiment demeuré au Haut-Koenigsbourg. Mais chacune y a laissé l'empreinte de son prestige. Comme disait notre guide: «C'est un château pour voir au loin, mais d'abord et avant tout un château pour être vu d'en bas.»

Aux alentours

Si vous partez d'Obernai (ou si vous y allez par la suite) pour joindre le Haut-Koenigsbourg, optez pour la route secondaire qui vous charmera: vous rencontrez d'abord Mittelbergheim, au coeur du vignoble, puis Gertwiller, capitale du pain d'épices. Vous voudrez sûrement faire un petit arrêt à Itterswiller, très fleuri, qu'on dit un des plus beaux villages de France et jeter un coup d'oeil sur l'Hôtel Kieffer qui déborde de géraniums. On passe ensuite par Dambach-la-ville, encore fortifiée puis à Scherwiller où vous devrez lever la tête pour voir une bouteille sur une des maisons, signe qu'il y a là un fils à marier. Dans la montée vers le château, vous croisez Kintzheim qui offre la Montagne des signes avec ses macaques en liberté ou la Volerie des aigles à ceux qui s'intéressent aux rapaces.

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