Bruno Blanchet est toujours à Montserrat, avec ses amis Magalie et Sir George Martin, à l'ombre du volcan...

Un jeudiTous les matins, sur Montserrat, le soleil brille. Les oiseaux gazouillent. La mer est bleue. Et les feuilles des arbres sont grises.

Tous les matins, sur Montserrat, il faut passer un grand coup de balai : les cendres du volcan, qui tombent la nuit, recouvrent patios, allées, gazons... Et s'infiltrent dans les maisons.

Depuis des années, le calvaire persiste. La portion habitable de l'île rapetisse un peu plus à chaque éruption... Mais la détermination des habitants, elle, ne semble pas diminuer. Avec les clés de la chambre, Sun, la gérante du Bunkum Beach Guesthouse, nous a remis des masques à «cendres».

«Vous en aurez peut-être besoin. Désolée.»

La rayonnante Sun, qui porte très bien son prénom, vient chaque matin nettoyer la maison de fond en comble. Néanmoins, elle garde le moral.

«Si le dôme du volcan peut enfin exploser, nous aurons une pause pour quelques années. En attendant, on balaye... Et les enfants font des châteaux de cendres.»

Quand le vent souffle, c'est de la poudrerie. C'est presque joli, comme une neige folle, qui pique les yeux et qui ne fondra jamais.

C'est assez étrange d'être en vacances et de souhaiter de la pluie... Ou l'explosion d'un volcan.

Le lendemain

Nous sortons dans la cour. Magalie saisit le bras de Sir George, qui peine à marcher dans les hautes herbes. Il esquisse un grand sourire et lui lance un «Lovely, my dear !» plus British que le black pudding. Nous nous avançons jusqu'à la clôture.

«Vous voyez, là-bas, le bâtiment blanc ?»

Il pointe en direction d'une grande bâtisse, à quelques centaines de mètres de là.

«C'était lui, notre fameux studio... Un endroit de rêve.»

Perché à flanc de volcan, avec vue sur l'océan, on imagine facilement combien l'endroit devait être inspirant.

«Il a dû s'en passer des choses exceptionnelles chez vous, hein, George ?

- Ah oui... Des chefs-

d'oeuvre !»

Il me tape sur la main.

«Et c'est là qu'Elton John a rencontré sa femme.

- Sa femme ?

- Oui, la belle Renate. Elle était ingénieure de son. Ils se sont presque aussitôt mariés. Nous étions tous un peu étonnés... Lui aussi, je crois.

- Est-ce qu'on peut aller le visiter ?

- Elton John ? Si vous voulez, je peux lui passer un coup de fil.

- Non, le studio !

- Ah, ça non. Impossible ! À partir d'ici, si une éruption majeure devait survenir, selon les spécialistes, on ne disposerait que de quatre minutes pour se sauver...»

La villa de Sir George Martin est située à l'extrême limite du territoire que l'on a désigné comme «sécuritaire». Ce qui le sépare du cataclysme ? Une vieille clôture Frost de quatre pieds de hauteur !

«Ça ne vous fait pas peur ?»

George nous offre l'air de celui qui en a vu d'autres.

«On apprend à vivre avec un volcan, les enfants...»

On rentre à la villa. Il se remet gaiement à nous raconter ses souvenirs.

«Saviez-vous que Sting a appris à faire de la planche à voile ici ?

- Ah non.

- Il était très bon ! Avec mon ami Danny, un expert, il a même réussi un truc incroy...»

Le volcan gronde.

Antigua, trois jours plus tôt

La mer est agitée. Un père veut enseigner à ses jeunes fils comment plonger dans la vague sans se blesser. Dos à l'océan, le monsieur a un petit moment d'inattention. La vague, elle, non. Il se fait durement ramasser par derrière et il déboule sur la plage, comme une guenille, son maillot autour des chevilles.

Ses garçons rient tellement qu'ils se roulent par terre.

Je me sens vraiment privilégié d'être ici, dans un chic hôtel de bord de mer que, en principe, je ne peux pas m'offrir.

Mon principe ? Je multiplie par 30 et je me pose la question : payerais-je ce loyer ?

Antigua, quatre jours plus tôt

Je suis sans abri. À l'aéroport, j'arrive à capter un signal WiFi. Je me branche et je tente ma chance pour la dernière fois. J'aboutis à la page Hotels.com. Il est midi. Pour le jour même, je tombe sur une aubaine incroyable: une chambre au bord de la mer, louée d'ordinaire 250 $, pour seulement... 51$ !

Est-ce que ce serait un truc? Une astuce?

Assurément une expérience à tenter, très chers lecteurs, ailleurs dans le monde.

Je prends la chambre pour trois nuits. Avec les 600 $ économisés, j'adopte une babouchka au Kirghizistan, sur babuchkaadoption.org, et je me fais faire des tresses sur la plage, avec des petites boules rouges et jaunes.

Puis je me prépare à attendre mon amie Magalie, tranquille, en me baignant dans la baie de Dickinson, avec mes petits cheveux funny... Non, mais c'est pratique, les tresses, hein ? Pas besoin de te coiffer le soir, et quand tu te vois dans le miroir, le matin, tu te fais rire en maudit. Pour ceux que l'île d'Antigua intéresserait, comme j'ai été un peu paresseux, je ne peux malheureusement pas vous en dire plein : la mer turquoise, la plage beige, trop d'hommes en maillot Speedo...

Et toujours aucun signe de Sir George Martin.

Photo: Bruno Blanchet, collaboration spéciale

Laisser sa trace dans les cendres de Montserrat.