À son retour d'exil aux États-Unis et en France, Louis-Joseph Papineau, chef de l'insurrection de 1837, se fait construire un imposant manoir sur les rives de la rivière des Outaouais. Des gens de partout au Canada viennent alors rendre visite au seigneur de la Petite-Nation, afin de discuter avec cet excellent orateur, mais aussi, pour se balader dans les magnifiques jardins du manoir.

Ce patrimoine paysager a disparu avec le temps, mais depuis l'an dernier, Parcs Canada, gestionnaire de ce site historique, a entrepris des travaux de restauration afin de redonner toute la noblesse aux jardins Papineau. Jusqu'à maintenant, une petite surface de 3000 pieds carrés, située sur la façade sud du bâtiment, entre les deux tours, a été remise en valeur, avec la plantation de pivoines, de dahlias, de phlox et de vignes, en plus d'arbres et d'arbustes.

«Les photos d'époque, les registres de commandes de graines et de plantes et les recherches archéologiques vont nous permettre de redonner à ce lieu son apparence historique», affirme Isabelle Tremblay, agente de communication au Lieu historique national du Canada du Manoir-Papineau. Les archives photographiques démontrent toute la beauté des jardins au XIXe siècle, dont la renommée dépassait largement la région de l'Outaouais.

Les travaux de restauration ne font que commencer et l'échéancier reste encore à déterminer. «Pour le moment, seulement la phase I a été complétée. On ignore quand sera réalisée la phase II, car tout est une question de budget», affirme Mme Tremblay. À moyen terme, l'objectif est de reconstituer le potager, de dégager des percées visuelles sur la rivière des Outaouais, présentement invisible du manoir, et de recréer, du côté nord, les allées avec le jardin de sculptures.

Architecture pittoresque

Quand il choisit de construire son manoir, de 1848 à 1850 sur le cap Bonsecours, la carrière politique du chef patriote est pratiquement derrière lui, même s'il se retire complètement de la vie publique qu'en 1854. «Il vient ici pour profiter de sa Liberté 55, comme on dit aujourd'hui. C'est alors que l'on découvre l'autre personnalité du politicien: architecte, horticulteur, homme de lettres et patriarche de la famille», explique Mme Tremblay en me faisant visiter les lieux.

Papineau, qui suit dans la construction dans les moindres détails, fait ériger une résidence mélangeant plusieurs styles architecturaux, une tendance courante à l'époque, ce qu'on appelle le mouvement pittoresque. La façade nord s'inspire des grandes maisons américaines de l'époque Regency tandis que sa façade sud, celle qui fait face à la rivière des Outaouais, est d'inspiration château normand.

Le bâtiment le plus curieux est sans contredit la tour de la bibliothèque, une structure de trois étages de style médiéval, décorée de fausses meurtrières. «Elle était séparée du manoir afin de protéger les précieux ouvrages – elle en aurait contenu plus de 3000 – d'un incendie», raconte Mme Tremblay.

Le manoir lui-même a subi d'importants travaux de restauration de 1999 à 2001. Exit le mur de crépi rose en façade ! «Les visiteurs qui sont venus avant 1999 ne le reconnaîtraient plus aujourd'hui tellement sa décoration a été améliorée. Aujourd'hui, près de 80% des meubles proviennent de la collection Papineau-Bourassa», fait remarquer Mme Tremblay.

La décoration intérieure demeure néanmoins sobre et modeste. Il ne faut pas oublier que même s'ils étaient aisés, les Papineau ne possédaient guère la fortune des Molson ou des Redpath. M. Papineau, mort à Montebello en 1871, comptait sur sa pension de politicien et sur les revenus assez modestes de sa seigneurie pour vivre.

D'ailleurs, incapable d'assumer les coûts d'entretien, la famille Papineau a vendu le manoir et son domaine en 1929. C'est ici que l'on a construit, en pleine crise économique, le Château Montebello, le plus grand bâtiment de bois rond au monde. Les gestionnaires de l'hôtel ont utilisé le manoir Papineau comme dépendance jusqu'à ce que Parcs Canada en assume la gestion dans les années 1990.

Ce lieu historique est situé à 140 km de Montréal. On y accède via le stationnement de la gare de Montebello.