Si vous êtes allé à New York récemment, vous n'êtes sûrement pas sans savoir qu'une révolution gastronomique est en train d'avoir lieu à Brooklyn.

Boucheries artisanales, restaurants de quartier éclairés, épiceries rétro remplies de produits régionaux... De Caroll Gardens à DUMBO, «l'autre côté des ponts» s'éclate.

À Montréal, on est loin d'un tel phénomène.

Sortir de l'île n'est pas pour autant synonyme de plongée dans le désert. Il y a des adresses intéressantes autant du côté des restaurants que des épiceries ou des boulangeries -on pense notamment au Bar à chocolat du DIX30, aux croissants de L'amour du pain à Boucherville ou aux pizzas de La Bottega de Laval. Mais de façon générale, on ne trouve pas dans la couronne nord ou sur la Rive-Sud de nombreuses adresses gastronomiques qui se révèlent des destinations en soi et méritent donc le détour.

Est-ce que Bidon, nouveau restaurant de Saint-Lambert, change cette réalité? Non. Apporte-t-il à cette banlieue un type de restauration très présent dans le Plateau et dans le Vieux-Montréal? Oui.

Poutine revisitée, guédille réinventée... Pour les banlieusards, plus besoin de traverser le pont Victoria pour en déguster.

Installée sur le boulevard Desaulnier, près de Notre-Dame et de la rue Victoria, artère principale de ce joli coin boisé de la Rive-Sud aux allures de village vaguement Nouvelle-Angleterre, Bidon se décrit comme une «taverne culinaire». Ouvert par un diplômé de l'ITHQ en gestion, on y trouve avant tout un concept plus qu'une destination culinaire.

Prix raisonnables, heures d'ouverture généreuses pour cette banlieue -on ferme à minuit du mardi au samedi. Menu à la mode, dans la tendance cuisine néo-rustique, réconfort, décor chaleureux mais moderne...

Toutefois, même si la formule est intéressante, avec atmosphère conviviale et accueil sans prétention - on comprend donc les résidants de ces quartiers de se réjouir de l'ouverture de cet établissement très actuel -, force est de constater que d'un point de vue strictement gastronomique, on a vu mieux.

La soupe aux pois au sirop d'érable et au bacon fumé, par exemple, croule sous la lourdeur excessive du sucre. La poutine de «smoked meat» de magret de canard, ensuite, est trop acidulée par sa sauce à la moutarde. Rien de nouveau, ici, dans ce plat vu, revu et re-revu depuis plusieurs années. L'intention de vouloir remettre un peu d'équilibre dans ce mets mou était probablement bonne. Mais a-t-on choisi une juste cause?

La guédille aux crevettes? Plus intéressante. Le pari d'aromatiser le tout avec une mayonnaise vanillée était risqué, mais la combinaison fonctionne avec les petits crustacés nordiques cuits à point et encore bien tendres. Bémol: le pain à hot-dog industriel que même une bonne grillade ne sait structurer. Bon point: la roquette poivrée et fraîche en garniture.

Le tartare de saumon? On l'aurait aimé mieux charpenté par le citron vert.

En plat principal, la morue en croûte de pistache, malheureusement trop cuite, s'était donc asséchée. Par contre, le brocoli à l'italienne, légèrement amer, accompagnait impeccablement le plat, en version simplement fondue à la poêle.

Et si le confit de canard se voyait bien riche et relevé par sa sauce aux pommes, c'est le risotto d'orge qui nous a conquis, avec ses grains résistant juste assez sous la dent.

Au dessert, le pouding-chômeur brillait par son classicisme et la lourdeur de rigueur, noyée dans la glace à la vanille. Autre option: une crème brûlée au chocolat, simple, riche, mais légèrement maladroite, à l'image de ce restaurant sympathique.

Bidon Taverne Culinaire

35, boul. Desaulnier, Saint-Lambert, 450-671-9000

Prix > Entrées entre 7$ et 11$, plats entre 15$ et 26$

Carte de vins > Courte mais variée, prix raisonnables. Importations privées. Quelques jolies bières.

Style > Bistro chaleureux de quartier qui se lance un peu tard dans la tendance néo-rustique.

Service > Convivial et efficace, sans chichi.

Plus > Des heures allongées, quelques valeurs sûres au menu, une ambiance pas compliquée.

Moins > Une cuisine un peu trop prévisible qui pourrait être plus soignée.

On y retourne? Si on doit dîner à Saint-Lambert, oui, mais on ne fera pas de détour.