Nouveau chef, nouvelle carte, mobilier renouvelé: la Tour d'Argent, l'un des restaurants les plus célèbres au monde, connaît une révolution en douceur, avec l'ambition de redevenir la table parisienne incontournable d'antan.

L'adresse historique des bords de Seine à la vue imprenable sur Notre-Dame rouvre mardi, après quinze jours de fermeture. Entre temps, les fourneaux n'ont pas connu de répit: le nouveau chef, Philippe Labbé, a élaboré sa carte, épaulé par une trentaine de cuisiniers.

«C'est une révolution dans le temps», commente André Terrail, 35 ans, qui a pris la tête en 2006 de cet établissement appartenant à sa famille depuis le début du 20e siècle.

Installé par son grand-père -qui s'appelait également André Terrail-, au 6e étage du 15 quai de la Tournelle, le restaurant est réputé trouver son origine dans une hostellerie fondée en 1582 sous le règne d'Henri III.

«Nous sommes une maison patrimoniale, on n'a pas les moyens comme d'autres grands établissements de fermer pendant plusieurs années et d'investir des sommes considérables. Donc on le fait par petites évolutions», explique André Terrail.

Le rez-de-chaussée et le bar ont été refaits l'été dernier, les cuisines entièrement rénovées en 2007.

Fin 2009, une vente aux enchères de vins et spiritueux issus de l'exceptionnelle cave de la Tour d'Argent avait rapporté 1,5 million d'euros.

Une nouvelle vente aura lieu les 9 et 10 mai prochains: issus des collections du restaurant et de celles de la famille Terrail, quelque 3000 objets seront dispersés chez Artcurial.

Nappes, serviettes, argenterie, ustensiles de cuisine, chaises de style Louis XV ou boutons de manchette à l'effigie de la Tour d'Argent seront mis en vente.

«C'est l'occasion de renouveler du matériel, de mettre en oeuvre la nouvelle charte, le nouveau logo, et de partager ces pièces historiques avec notre clientèle, nos amis et d'autres professionnels», souligne le propriétaire.

Côté alcools, passeront notamment sous le marteau de Me François Tajan trois bouteilles de cognac Clos de Griffier, datant de 1788, estimées entre 20 000 et 25 000 euros chacune.

«Plus de légèreté et modernité»

La fameuse cave sur laquelle veille le chef sommelier David Ridgway, compte environ 350.000 bouteilles et 11 000 références. «En termes de diversité en vins français, nous avons l'une des plus belles collections de vins au monde», relève André Terrail.

Côté cuisine, la Tour d'Argent, célèbre pour son «canard au sang» -dont plus d'1,15 million, dûment numérotés, ont été dégustés depuis 1890-, ses quenelles de brochet et ses crêpes Belle Epoque, veut donner un coup de neuf à sa carte.

Le chef Philippe Labbé, qui a précédemment officié à L'Arnsbourg à Baerenthal (Moselle), au Shangri-La et au Plaza Athénée à Paris, a «carte blanche» pour apporter plus de «précision, de légèreté et de modernité à cette cuisine bourgeoise», dit André Terrail.

Avec un objectif: reconquérir dès l'an prochain la deuxième étoile Michelin perdue en 2006.

La troisième étoile avait arrêté de briller sur cette table en 1996. «Est-ce qu'on a suffisamment embrassé les évolutions de notre époque dans la cuisine, dans le décor, dans les attentes de clients? Ce n'est pas certain», reconnaît André Terrail.

«Je pense qu'on est maintenant à la hauteur de ces attentes», dit-il, désireux de «retrouver l'âge d'or de la Tour d'Argent», où à l'époque de son père Claude Terrail se pressaient dirigeants, têtes couronnées du monde entier et vedettes hollywoodiennes.

Les prix resteront les mêmes: menu déjeuner à 85 euros, dîner aux alentours de 350 euros avec les vins.

Philippe Labbé, qui fut désigné «cuisinier de l'année 2013» par le guide Gault et Millau, veut apporter «beaucoup de fraîcheur».

«Je vais garder les classiques que je vais transformer suivant la saison et décliner d'une manière tout à fait différente», indique le chef, sans dévoiler davantage de détails.

«Je veux que les gens ressentent la même émotion que celle qu'ils éprouvent face à la vue offerte depuis la Tour d'Argent».