Dans les années 2000, il n'y avait qu'un nom sur toutes les lèvres dans le monde de la gastronomie d'avant-garde : Adrià.

Lorsqu'on parlait d'Adrià, on parlait de Ferran Adrià, le visage du fameux restaurant moderniste El Bulli, près de Rosas, en Catalogne, où la cuisine a été réinventée plus d'une fois.

Aujourd'hui, en 2016, Ferran est surtout dans les coulisses et le célèbre nom de famille a trouvé un second sens. Adrià, c'est maintenant presque surtout Albert Adrià, le plus jeune frère de Ferran, celui qui pilote sept restaurants à Barcelone ou à Ibiza et qui rentabilise les idées hyper futuristes issues d'El Bulli, maintenant portées encore plus loin.

On a longtemps épilogué sur les raisons de la fermeture d'El Bulli en 2011, mais un des problèmes majeurs de l'établissement était son modèle d'affaires impossible. Créer autant coûtait très cher, épuisait les équipes, et il était impossible de rentabiliser le restaurant dans l'espace aussi restreint qui était le sien.

En ouvrant Tickets, à Barcelone, dans une grande ville, Albert Adrià, en partenariat avec des investisseurs locaux, a ouvert la porte à une réelle démocratisation et à une vaste commercialisation des concepts de cuisine créés à El Bulli. Albert a ensuite poursuivi ce travail en ouvrant cinq autres tables dans la capitale catalane, puis à Ibiza, en partenariat avec le Cirque du Soleil.

Aujourd'hui, si on veut goûter à la fameuse « cuisine moléculaire » catalane, on peut aller chez Tickets ou Pakta, Enigma ou Hoja Santa, où Albert décline ses idées sur des thèmes parfois japonisants ou mexicains mais toujours avec le même immense souci créatif décliné sur des produits impeccables. Adrià a même ouvert un « vermuteria » à l'ancienne, Bodega 1900, où il offre l'expérience typique barcelonaise du vermouth et tapas. Là, comme dans la plupart des établissements signés Adrià, on peut goûter aux fameuses olives en sphérification, des olives recréées à partir de jus d'olives vertes, qui éclatent comme des bulles en bouche alors qu'on ne s'y attend pas du tout. L'essence même et maintenant l'emblème de la cuisine moderniste signée Adrià.

« Maître de la créativité, homme vrai et honnête », a dit de lui le grand chef René Redzepi, de Noma, à Copenhague.

Photo tirée du site web du restaurant Ticket

Frère cadet du célèbre Ferran Adrià, Albert Adrià, 46 ans, est le chef dont désormais tout le monde parle en Espagne.

GOURMAND-Etoiles montantes, chefs du monde. Albert Adria.

Pois, courge et piment poblano, au restaurant Hoja Santa, de Barcelone.

Photo tirée du site web du restaurant.

Dans les coulisses des grands restaurants, il n'est pas rare d'entendre un collègue se remémorer l'importance d'Albert, à l'époque où il travaillait aux côtés de son frère à l'El Bulli. « Tout a basculé quand il est parti », m'a déjà confié un grand collègue, très « off the record ».

Âgé d'à peine 46 ans, Albert est l'Adrià dont tout le monde parle en ce moment en Espagne et dans le monde. Le flambeau de la cuisine qu'on a souvent appelée « moléculaire », c'est lui qui le porte dans les dizaines de conférences où on peut le croiser chaque année, avec ses arachides en trompe-l'oeil, un sandwich à l'envers ou une sublime salade toute simple d'oranges à l'huile d'olive. Et si certains de ces plats vous semblent un cliché, dites-vous que c'est parce que c'est tout simplement lui qui les a inventés le premier.