J'aimerais vous surprendre, mais je crois que 2019 sera hautement, prévisiblement, totalement végé, sinon végane, sûrement sans gluten, avec un bémol sur les produits laitiers et le sucre aussi.

Poussée par les milléniaux qui, avec ou sans cohérence philosophique et éthique, ont décidé de se définir par ce qu'ils mangent, cette idée de tout contrôler a débordé les livres de cuisine de Gwyneth Paltrow et de Melissa Hemsley pour atterrir partout chez nous. Avez-vous vu le nombre de «laits végétaux» maintenant vendus dans les épiceries grand public? Et qui a passé le temps des Fêtes sans avoir à accommoder une cousine ou un beau-frère sans ceci ou cela? Je vous l'avais dit. Personne.

Je ne suis pas une apôtre de ces tendances et j'adore autant le blé que le yogourt, les tomates ou l'agneau braisé. Mais je trouve que l'accent mis sur les végétaux par toutes ces modes est intéressant. Et si cela peut amener les chefs à cuisiner plus vert, plus grains, plus feuilles, j'ai hâte de voir ce que ça va donner en 2019.

L'autre grande tendance que l'on devrait voir dans nos assiettes, c'est le local, bien sûr, comme toujours, mais avec un nouvel angle «garanti pas importé grâce aux accords commerciaux».

Cela devrait toucher particulièrement les produits laitiers, si on se fie à la réaction des consommateurs sur les réseaux sociaux quand il a été annoncé que les nouvelles ententes permettraient notamment à plus de lait américain d'entrer sur notre marché. Le souverainisme laitier s'est fait entendre. Les appels à la traçabilité aussi. Voyons ce que ça donnera dans nos assiettes et sur les menus. 

Cela dit, l'accord avec les pays de l'Union européenne, qui est en vigueur, mais se déploie doucement, devrait aussi permettre l'arrivée de plus de nouveaux produits européens ici, notamment des mozzarellas moins chères, des fromages grecs ou portugais ou espagnols dont on n'a jamais entendu parler, des jambons italiens... Les menus des restaurants devraient changer avec ça, aussi.

Équitable et écologique

En 2019, on verra en outre des établissements poursuivre leur réflexion sur la rémunération de leurs employés.

À New York, la chef canadienne Amanda Cohen, par exemple, a décidé d'enlever le système de pourboires dans son restaurant Dirt Candy, afin de facturer directement le service aux clients, histoire de mieux contrôler la répartition des pourboires entre la salle et la cuisine. Je crois comprendre qu'on pourrait voir des chefs restaurateurs québécois emboîter le pas. La pénurie de main-d'oeuvre oblige ces gens d'affaires à trouver des solutions nouvelles.

La récupération alimentaire? On en a beaucoup parlé depuis 2015, maintenant, en 2019, intégrons-le au quotidien. Au resto, à la maison. On a besoin de davantage de livres de cuisine que celui de Massimo Bottura, Le pain est d'or, sur l'art d'apprêter les restes et de faire du «déchétarisme». 

En 2019, les consommateurs demanderont encore plus de mesures écologiques à leurs commerçants. Les pailles en plastique ont été retirées d'un paquet de chaînes en 2018. Personne n'a rouspété. Peut-être que 2019 sera l'année où les restaurants commenceront à trouver des solutions plus écolos? Plus de recyclable, de réutilisable? Les entreprises de repas en kits, en tout cas, ont tout un défi à relever à cet égard. Et comme la livraison à domicile de plats provenant du restaurant est un phénomène en expansion, façon Uber Eats ou Foodora, les tables traditionnelles devront-elles aussi se poser des questions?

Plus d'artisans, moins d'Instagram

Est-ce que 2019 sera l'année où les fermiers deviendront des stars comme les chefs? Ou faudra-t-il que Netflix s'intéresse à eux? Et les bouchers? Et les fromagers? Je parie qu'une nouvelle passion pour les artisans naîtra, comme on s'est passionné pour les chefs.

Une poursuite de notre intérêt pour les femmes chefs, aussi. Il faut continuer. On peut faire mieux. Dominique Crenn vient d'avoir sa troisième étoile à San Francisco. Au Québec, c'est probablement Colombe St-Pierre qui fait le plus parler actuellement sur la scène internationale, avec notamment ses participations aux activités déjantées du collectif Gelinaz! Les femmes n'ont plus à faire leurs preuves, il suffit que les médias et les «foodies» prennent la peine de les trouver.

Espoir: que 2019 soit l'année où les restaurants arrêtent de cuisiner pour Instagram. En 2018, on a vu partout des plats qui semblent conçus essentiellement pour avoir l'air beaux sur la photo. Des sauces très blanches. Des pétales de fleurs multicolores déposés comme de la peinture. Des assiettes bleues ou jaunes. Oui, Noma (Copenhague) et Aloette (Toronto), c'est de vous que je parle. Parfois, toute cette beauté est délicieuse, parfois moins. Parfois, en 2019, on aura juste envie de risotto brun.

Autres tendances en vrac 

Les fameux «comestibles», aliments produits avec du cannabis ou encore les agents actifs de la plante, pourraient prendre la route des menus des restaurants. Le fermenté continue sa route, notamment avec l'explosion de la popularité du kombucha. Le petit-déjeuner le plus branché? Il est coréen et comprend généralement du riz frit, des oeufs, peut-être des kimchis (fermentés). Les insectes? Oui, mais invisibles. Dans des poudres qu'on intègre aux pains, aux gâteaux, aux biscuits.

Les fourmis vivantes, les sauterelles entières? Même si la protéine maigre a la cote, je ne vois pas ça venir dans le Vieux-Montréal ni même dans le Mile End.

Autre tendance: les boissons non alcoolisées (voir kombucha, voir fermenté) déclinées de façon recherchée. Jus, thés, eaux infusées... Et s'il y a une cuisine qui fait jaser actuellement, à part la coréenne, c'est l'israélienne. Yotam Ottolenghi et tous ses élèves et disciples façon Honey & Co, à Londres, nous ont rendus accros.

J'aimerais dire que la tendance est aux desserts à tout sauf à la viande ou aux légumes - finis, les brownies au foie gras ou la crème glacée à l'oseille -, au café bien torréfié - plus noir que brun - et aux vins parfaitement équilibrés - des vins naturels, oui, mais... -, à la fin des menus gastronomiques de douzaines de plats et aux décibels sous contrôle dans les cafés et brasseries. Mais ça, ça serait des souhaits, pas des prédictions.