Entre un rembourreur et un atelier de mécanique, en retrait de l'avenue Victoria, principale artère commerciale de Saint-Lambert, voilà un étrange endroit où trouver une épicerie fine italienne. Mais on n'a qu'à s'installer à l'une des tables d'Alimentari Sud pour comprendre pourquoi les gens font le détour pour voir ce que Wesner Charles a de neuf à leur proposer.

Le commerce, qui a fêté ses deux ans le week-end dernier, a vu son offre se bonifier à vitesse grand V au cours de la dernière année. Récemment, la boutique est même devenue le seul endroit de la Rive-Sud à proposer un éventail de fruits et de légumes de la Ferme des Quatre-temps, dont les produits écologiques sont très recherchés. 

Pourtant, quand le jeune homme arrivé d'Haïti à l'âge de 12 ans a repris le local occupé par son père antiquaire, c'était pour en faire un dépanneur. Mais le projet n'a pas séduit la Corporation de développement économique de Saint-Lambert. Celui qui a excellé comme vendeur automobile pendant plus de 10 ans a donc révisé son plan de match.

«J'ai réfléchi au concept d'épicerie fine et de comptoir gourmand, en identifiant les trois types de cuisine qui rejoignent le plus de gens, soit la française, l'asiatique et l'italienne, nous a expliqué celui que tout le monde appelle Wes. Je me suis alors souvenu que Camillo Luciani, mon patron chez Luciani Infiniti, avait ouvert un comptoir de restauration italienne dans le concessionnaire. Il m'a appris que l'important était d'avoir une connaissance précise des produits que l'on vend. J'ai vu qu'il y avait une occasion d'affaires à Saint-Lambert, où aucun commerce du genre n'existait.»

Alimentari Sud est donc né d'une simple décision d'affaires. Car Wesner Charles n'est jamais allé en Italie, il ne connaissait absolument rien de la cuisine et des produits italiens. Même s'il a pu compter sur les contacts de Camillo Luciani, trouver de bons fournisseurs s'est donc avéré ardu par moments.

«Je ne me suis pas inquiété, même si au début, ça a été un peu difficile. Je m'assurais de payer mes employés, mon loyer et mes fournisseurs. Mais je me suis retrouvé avec quelques retards de paiements sur mon hypothèque...»

«Ça a débloqué quand Luigi Pacionne, un fournisseur que j'avais rencontré six mois auparavant au Salon de l'Italie, m'a finalement contacté, a enchaîné le commerçant. Il représente plusieurs bonnes marques et a accès à plusieurs produits uniques. Ça a été le tremplin dont j'avais besoin.»

Les tablettes d'Alimentati Sud sont donc aujourd'hui bien pleines. On y trouve entre autres le café Kimbo, le pain de la boulangerie Marguerita, les pâtisseries fraîches de la Cornetteria, les gelatos maison, les croustilles San Carlo, les jus Santal, sans parler des panettones - Wesner Charles soutient qu'il offre la plus grande variété de ces fameux gâteaux de Noël italiens sur la Rive-Sud.

Service à la clientèle

On a beau offrir une belle variété de produits, il faut que les gens se donnent la peine de venir voir. Si Wesner Charles reconnaît qu'il a bien souvent découvert le nom de ses produits en même temps que ses clients, il est un champion du service à la clientèle - il a gagné des prix quand il était vendeur automobile. Il a ainsi commencé à tâter le pouls des gens du coin avant même d'ouvrir son commerce.

D'abord avec un kiosque au marché public local et ensuite en abordant directement les badauds pendant les Fêtes de Saint-Lambert, qui sont organisées chaque année à la fin du mois d'août. Et quand il a ouvert les portes d'Alimentari Sud, il a proposé à tous les nouveaux clients une visite guidée et détaillée de son commerce. Il le fait encore aujourd'hui, si bien qu'il a réussi à se bâtir une clientèle fidèle et enthousiaste. «Les gens s'aperçoivent que je travaille sans relâche, et ils valorisent l'effort.» Le jeune homme dit avoir vu son chiffre d'affaires quadrupler au cours de la dernière année. «Je suis sorti du mode survie, je peux maintenant mettre en place ma structure d'entreprise, ce qui me permet de faire des prévisions, de penser à plus long terme.»

Il n'est toutefois pas question qu'il abandonne sa clientèle lambertoise. «Je pourrais peut-être ouvrir une nouvelle boutique ailleurs en banlieue, sur la Rive-Nord par exemple. Mais je ne veux surtout pas m'installer à Montréal, où il y a déjà de véritables institutions italiennes. Je veux garder l'âme de mon commerce à Saint-Lambert.»

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277, avenue Saint-Denis, Saint-Lambert

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

La terrasse et l'aménagement de plantes comestibles d'Alimentari Sud ont été réalisés par le fils de l'un des clients de Wesner Charles. «Noah et son père l'ont fait pour m'aider, a-t-il révélé. Mais il en a maintenant fabriqué d'autres dans le village de Saint-Lambert.»