Au centre du Portugal, loin des adresses touristiques de Lisbonne, les régions de l'Alentejo et du Bairrada offrent un accueil différent. Au menu: une cuisine authentique, des plats généreux et des chefs qui ont envie de partager leur savoir-faire. Les vins que l'on y sert sont tout aussi originaux et complexes. Visite gourmande au Portugal.

Premier arrêt, l'hôtel Refugio da Vila. Cet établissement se trouve dans la petite ville de Portel, dans le centre de l'Alentejo. Il est réputé pour sa table, mais aussi pour ses cours de cuisine. Le chef Pedro Miguel Soudo y travaille depuis deux ans.

«Nous voulons faire connaître aux invités une partie de notre culture, explique-t-il. On propose de leur faire découvrir les saveurs de l'Alentejo. Tout commence avec l'huile d'olive, qui est l'élément central de notre cuisine.»

En effet, les oliviers sont partout dans l'Alentejo. L'hôtel produit d'ailleurs sa propre huile d'olive. Le chef l'utilise pour la cuisson, pour la friture et même pour préparer ses desserts. Le jardin de l'hôtel est rempli de fines herbes, mais aussi d'oignons et d'ail, deux légumes indispensables à la cuisine régionale.

Dans les assiettes, Pedro Miguel Soudo sert de l'agneau, du porc, des salades avec des citrons et des oranges, beaucoup de légumes et, bien sûr, la morue, poisson fétiche des Portugais. Le chef précise que les plats doivent être relevés. Aussi utilise-t-il le paprika, le poivre noir ou blanc et la cannelle.

Pour accompagner cette cuisine aux saveurs prononcées, il faut des vins costauds. Les vignerons locaux utilisent des variétés autochtones: alfrocheiro, alicante Bouschet, castelão et roupeiro. Le dépaysement est total.

Un intrus: la syrah

L'Alentejo produit des rouges aux robes très colorées, aux notes de fruits noirs et d'épices. Ces vins sont souvent corsés. Ils sont parfaits pour accompagner les plats de viande. La région élabore aussi des blancs. Leurs notes de fruits tropicaux, d'agrumes et leur structure imposante en bouche accompagnent à merveille les poissons.

Deuxième arrêt: le domaine Cortes de Cima. Ce vignoble est le plus connu de l'Alentejo. Le tiers des bouteilles de cette région qui sont offertes au Québec proviennent de ce domaine.

Sa marque de commerce est la cuvée Chaminé avec son étiquette bleue. Ce mélange d'aragonez, connu en Espagne sous le nom de tempranillo, de touriga nacional ainsi que d'alicante Bouschet, est facile à boire et abordable.

On trouve aussi dans cette cuvée une touche de cépages internationaux. Ces variétés, plus connues des amateurs étrangers, constituent un atout de taille pour le commerce des vins. La culture de ces raisins non portugais n'a cependant pas toujours été simple.

«Quand on s'est installés dans l'Alentejo en 1988, on a arraché beaucoup de vignes, explique le vigneron Hans Jorgensen, originaire du Danemark. J'étais certain que la syrah allait donner des vins magnifiques sur ce terroir. Ça n'a pas été facile, mais on y est arrivés.»

Le couple Hans et Carrie Jorgensen a reçu plusieurs visites des autorités locales au début des années 90. Elles voyaient d'un mauvais oeil l'ajout de cette variété internationale dans les vins portugais. Vingt ans plus tard, la cuvée Incógnito, élaborée à 100% avec de la syrah, est encensée partout dans le monde.

Le cochon de lait du Bairrada

Il n'y a pas que l'Alentejo qui offre un séjour gastronomique hors du commun. Le Bairrada, situé plus dans le nord, sur la côte, propose une spécialité déroutante: le leitão da Bairrada.

Le nom de ce plat est souvent traduit en français par «cochon de lait». Mais n'allez surtout pas croire que ce cochon est cuit dans du lait. La viande de ce porcelet, qui a été nourri exclusivement par sa mère, est plutôt séchée deux jours à l'air libre avant d'être préparée. La recette est ensuite très simple: salez, poivrez, ajoutez de l'ail et beaucoup de saindoux avant d'enfourner.

Le vigneron Luis Pato, rencontré lors de son passage à Montréal en novembre dernier, nous avise d'emblée que peu de restaurants préparent encore ce plat selon la recette traditionnelle.

«L'État a resserré le contrôle sanitaire, dit-il. C'est plus difficile de trouver le vrai leitão. Certains bouchers le produisent toujours.»

Le leitão est servi tiède ou froid. Sa peau est hyper croustillante - résultat de l'épaisse couche de saindoux que l'on essuie pendant la cuisson. La viande est tendre et goûteuse. Les Portugais accompagnent ce plat de morceaux d'oranges et de pommes de terre bouillies. Rien de compliqué. Dans les verres, on sert du mousseux, de préférence rouge! Un trio hors de l'ordinaire, mais délicieux.

Les vins du Barraida

Le Bairrada produit essentiellement du rouge. Son cépage fétiche est le baga. Cette variété résiste bien au climat humide de la région et aux maladies. Les vins qu'elle produit sont cependant très tanniques et nécessitent du temps pour s'ouvrir. Afin de plaire davantage aux consommateurs, les vignerons ajoutent depuis 10 ans des variétés internationales dans leurs cuvées.

Le Bairrada est aussi connu pour ses mousseux. La région produit la moitié des vins effervescents du pays. La majorité de ces cuvées sont faites avec la même méthode qu'en Champagne. Les vignerons utilisent surtout des variétés locales comme le bical et l'arinto, mais aussi le chardonnay et le pinot noir.

Luis Pato est sans doute le producteur de bulles portugaises qui fait le plus parler de lui pour son originalité et son amour des cépages locaux. Pour surprendre les critiques, il a élaboré un mousseux rosé avec le baga. Une cuvée inédite qu'il a appelée Informal.

Malheureusement, peu de vins du Bairrada sont offerts chez nous. Aucune bouteille de bulles portugaises n'est vendue à la Société des alcools. Si vous êtes curieux d'y goûter, le Café Ferreira et le restaurant Scarpetta, à Montréal, en ont quelques cuvées sur leur carte.