Des producteurs de vin de glace du Canada contestent la méthode utilisée par leurs confrères québécois, qui consiste à faire geler les raisins dans un filet plutôt que sur la grappe. Pour comparer les deux méthodes, un vigneron de Saint-Eustache les a testées cette année.

«Je veux expérimenter la méthode qu'on nous reproche de ne pas faire», explique Daniel Lalande, propriétaire du vignoble de la Rivière du Chêne.

Le vigneron a ainsi gardé sur la vigne les fruits de 160 plants de vidal. Il a aussi mis en filets, à l'automne, les raisins de 3300 pieds de la même variété, comme les vignerons québécois ont l'habitude de faire.

Après plusieurs journées de froid, M. Lalande a convoqué ses vendangeurs, samedi dernier. Son équipe a d'abord cueilli les raisins restés sur la vigne. Pour ce faire, le vigneron a enlevé les dizaines de centimètres de neige qui recouvraient les grappes à l'aide d'une pelle et d'une souffleuse portative.

Une fois les plants dégagés, nul besoin de sécateurs. Les tiges se cassent facilement. Plusieurs grappes sont d'ailleurs déjà tombées et sont difficiles à retrouver dans la neige. Lors de la cueillette, les raisins se décrochent et s'éparpillent sur le sol.

Il a fallu près d'une heure à la petite équipe pour vendanger les 160 plants. Résultat de leur cueillette : dix caisses de raisins. Le producteur Daniel Lalande est déçu. Il espérait en avoir cinq de plus. «C'est la moitié de ce que je récolte d'habitude», dit-il. Le vigneron croit cependant que sa récolte aurait pu être plus grande, mais il est impossible de rassembler tous les raisins tombés au sol et de trouver toutes les grappes dans la neige.

«Chaque raisin qu'on perd équivaut à 10 cents, assure un membre de son équipe, Carolle Labrèche. Il va y avoir une grosse perte.»

Avant de rentrer au chai, l'équipe a vendangé les fruits placés dans les filets. Cette fois, le travail a été beaucoup plus facile et, surtout, beaucoup plus rapide. Il a suffi de secouer les filets pour enlever l'excédent de neige, les ouvrir et de faire tomber les raisins dans les caisses. En moins d'une demi-heure, une quarantaine de caisses débordent.

Les deux méthodes... au goût

La vendange terminée, les fruits sont apportés au chai. Les caisses sont alors vidées dans deux pressoirs différents. Dans le premier, on place les raisins récoltés sur la vigne, dans le deuxième, ceux ramassés dans les filets. L'équipe est anxieuse.

Une trentaine de minutes plus tard, le liquide ambré coule lentement du premier pressoir. Daniel Lalande en verse une petite quantité dans un verre. Tous goûtent, tour à tour : le moût est sucré, on reconnaît les notes des fruits exotiques, la finale semble aqueuse.

Le vigneron remplit ensuite un deuxième verre avec le jus des raisins laissés dans les filets. Surprise : le goût n'est pas identique. Les saveurs sont les mêmes, mais le liquide paraît plus sucré, plus concentré.

Une fois le pressage terminé, Daniel Lalande compare le taux de sucre des moûts obtenus selon des deux méthodes. Il note alors une différence de 30 grammes. Le jus obtenu avec les raisins récoltés dans les filets est donc plus sucré.

«Les raisins cueillis sur la vigne étaient très enneigés, constate M. Lalande. Ça me laisse croire qu'ils étaient moins gelés que ceux ramassés dans les filets. Comme il y avait de la neige sur les raisins, cela a pu aussi "diluer" un peu les jus recueillis.»

Le vigneron compte faire déguster à l'aveugle les vins de glace obtenus avec les différentes méthodes à ses confrères. Pour cela, il faudra être patient, car la fermentation des moûts prendra plusieurs mois.