Le modèle unique de classement des vins de Bordeaux, bien qu'il diffère selon les appellations, est loué par les acteurs de la filière et surtout par le marché des grands vins qui y trouve un mode de communication rassurant pour les consommateurs.

Qu'il soit gravé dans le marbre depuis 1855 comme celui des vins rouges de l'appellation Médoc ou des liquoreux de celle de Sauternes, inchangé depuis 1955 comme pour l'appellation Graves, ou encore révisable tous les dix ans comme dans le cas de Saint-Emilion, «à l'étranger, un classement est un véritable point de repère», assure Gérard Perse, propriétaire du château Pavie, promu début septembre dans le nouveau classement des plus grands crus de Saint-Emilion.

Selon lui, le marché chinois, devenu le premier importateur de vins de Bordeaux en volume et en valeur, «achète d'abord un classement».

«Le marché chinois aujourd'hui fonctionne comme cela a été le cas avec celui des États-Unis il y a 20 ans», confirme le courtier spécialisé dans les grands crus classés, François Lévêque. «Si les Chinois ont pénétré le marché de Bordeaux par les vins du Médoc c'est parce qu'il y avait du volume et surtout un classement», estime-t-il.

«Spécificité bordelaise», qui n'existe dans aucune autre région française de production, les classements «sont un facilitateur d'affaires car ils amènent de la notoriété et sont surtout une très bonne chose pour le consommateur en leur disant "vous achetez un vin de qualité"», souligne le courtier.

Anxiété

De par son poids, le nouveau classement des grands crus de Saint-Emilion, proposé pour validation au ministre de l'Agriculture début septembre, est donc toujours attendu avec anxiété par les propriétaires.

Cette année, il a été unanimement salué par les négociants qui achètent le vin avant de le revendre à ses clients importateurs ou distributeurs.

Mais l'obtention devant le Conseil d'État de l'annulation du précédent classement de 2006 par des propriétaires déclassés fait encore craindre de nouvelles procédures judiciaires.

«J'espère qu'il ne sera pas attaqué», soupire Hubert de Boüard, directeur de château Angélus, promu aux côtés de château Pavie au rang de Premier grand cru classé A, et directeur régional de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO).

Non retenu par l'INAO, auquel l'organisme de défense et de gestion de Saint-Emilion a fait appel pour établir ce classement, le château Croque-Michotte, candidat à une distinction en grand cru classé, a même demandé à l'institut «de revoir nos notes et rectifier les erreurs», a déclaré à l'AFP le propriétaire associé, Pierre Carle, assurant avoir «les arguments juridiques» pour attaquer ce classement.

Toutefois ces classements n'effacent pas entièrement la loi de l'offre et de la demande, même s'ils sont un bon argument de vente.

Xavier Planty, président de l'Organisme de défense et de gestions de vins de Sauternes, estime même que «le marché fait la loi. Quand un vin est très bon les consommateurs savent le reconnaître», assure-t-il, indiquant que dans son appellation «des vins non classés se vendent plus chers que d'autres classés».

Outre les classements, les notes attribuées par les critiques «sont très importantes pour le marché», souligne aussi François Dugoua, négociant spécialisé en grand cru pour la société Ulysse Cazabone.

«La note c'est la part variable qui compose la détermination du prix car le terroir, la renommée ou le classement, sauf à Saint-Émilion, sont immuables», indique-t-il.

Il confirme ainsi que la note de 100/100 attribuée à 18 châteaux bordelais du millésime 2009 au printemps par le célèbre critique Robert Parker «a crée une demande très forte».