Le géant chinois des télécoms Huawei, soupçonné par Washington d'être un cheval de Troie pour une guerre cybernétique, proteste de ses meilleures intentions et déplore l'ostracisme américain alors que les Européens en mal de croissance le courtisent.

Au nom de leur sécurité nationale, les États-Unis et l'Australie ont dressé ces dernières années des barrières infranchissables pour Huawei qui a dû renoncer à de juteux appels d'offre.

L'Europe n'a pas ces préventions à son égard.

Le Premier ministre britannique David Cameron est apparu la semaine dernière à Londres aux côtés de son fondateur et directeur général, Ren Zhengfei, venu annoncer un investissement de deux milliards de dollars (environ 1,5 milliard d'euros) et le doublement de ses effectifs dans le pays.

«L'investissement annoncé par Huawei démontre une nouvelle fois que le Royaume-Uni est ouvert aux entreprises», s'est félicité David Cameron le 11 septembre, soulignant la «relation importante» du pays avec Pékin.

«Le Royaume-Uni est l'un des marchés européens les plus importants où nous ayons investi» et «un centre d'innovation», a souligné Ren Zhengfei, un ancien ingénieur militaire du reste très avare de déclarations et d'apparitions publiques.

Ni M. Cameron ni M. Ren n'ont rappelé que les relations entre Huawei et Londres étaient proches au point que le chinois a débauché en 2011 John Suffolk, alors responsable de la sécurité informatique et numérique au 10 Downing Street, pour prendre en charge la cybersécurité au sein du groupe.

Trois jours plus tard, M. Ren était reçu à Bruxelles par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Dans une allusion feutrée aux accusations américaines, le patron chinois a salué «une coopération basée sur la confiance mutuelle» entre Huawei et l'Europe, où ses ventes ont bondi de 27% l'an dernier.

Changement de décor outre-atlantique où un vice-président du groupe, Charles Ding, comparaissait concomitamment devant une commission parlementaire américaine pour se défendre d'être au service du gouvernement chinois dans l'hypothèse d'une guerre cybernétique contre les Occidentaux.

«Nos clients à travers le monde ont confiance en Huawei. Nous ne ferions jamais quoi que ce soit qui puisse miner cette confiance», a-t-il dit.

«Que ce soit clair: Huawei n'a jamais mis en danger son succès commercial ni l'intégrité des réseaux de ses clients, et ne le fera jamais, au profit d'un tiers, qu'il s'agisse d'un gouvernement ou d'autre chose», a-t-il déclaré.En vain.

«J'espérais davantage de transparence, plus de franchise dans certaines réponses», a réagi le président de la commission, Mike Rogers.

Les États-Unis reprochent à Huawei - au minimum - des systèmes qu'ils jugent perméables aux intrusions (ses routeurs, des appareils qui permettent de connecter des réseaux à internet, sont très critiqués), et - au pire - ses liens présumés avec les autorités chinoises.

Le groupe a ainsi dû renoncer l'an dernier au rachat de l'entreprise américaine 3 Leaf Systems et s'est vu écarté de l'appel d'offre pour le futur réseau à très haut débit de l'Australie.

Huawei, qui affirme compter 45 des 50 premiers opérateurs mondiaux parmi ses clients, insiste sur le fait que l'entreprise n'a plus de liens avec l'armée chinoise et est une entreprise commerciale comme une autre, à la recherche de nouveaux marchés.

«Nous avons vraiment une stratégie à long terme en tant qu'investisseur, à la fois en Europe et aux Etats-Unis. Peut-être ne nous sommes-nous pas suffisamment expliqués par le passé», a déclaré à l'AFP Roland Sladek, porte-parole international de Huawei.

«Nous sommes heureux des conditions d'investissement au Royaume-Uni et du fait de pouvoir croître en Europe. Nous aimerions bénéficier de conditions semblables partout ailleurs», a-t-il ajouté.

Numéro deux mondial des réseaux télécoms derrière le suédois Ericsson, Huawei fabrique également des téléphones portables.

Présent dans plus de 140 pays, il employait plus de 110 000 personnes fin 2010, dont la moitié hors de Chine.

Il a réalisé en 2011 un chiffre d'affaire de près de 25 milliards d'euros.