(Elmont, État de New York) « J’adore ça. C’est ce qui me fait sentir vivant. » Ça sautait déjà aux yeux en regardant gesticuler Patrick Roy derrière le banc des Islanders de New York, mais s’il persistait des doutes, ils sont maintenant dissipés : Patrick Roy est de retour là où il souhaitait le plus être.

Son retour, après sept ans et demi d’absence dans la LNH, s’est fait dans un contexte gagnant. Ses Islanders ont vaincu les Stars de Dallas 3-2 en prolongation, grâce à un but de Bo Horvat.

Un but qui a conclu une journée forte en émotion pour celui qui a été embauché samedi, à la surprise générale, pour venir à la rescousse de la formation new-yorkaise en pleine dérive.

Sa journée a commencé par un entraînement matinal d’une intensité inhabituelle pour un exercice du genre. Tellement intense qu’il a même lâché des bouts de français dans ses explications.

Ça s’est poursuivi en soirée au UBS Arena. Ceux qui souhaitaient une présentation vidéo, un accueil triomphal, ont été déçus. L’arrivée du nouvel entraîneur-chef n’a guère été soulignée dans l’aréna. Tout au plus a-t-on entendu quelques spectateurs scander son nom en tout début de match, au rythme d’un tambour.

Sachant comment la vedette de la journée se sentait, c’était peut-être mieux ainsi.

J’étais très nerveux, je ne mentirai pas. Tu veux toujours gagner ce premier match. Je suis vraiment reconnaissant envers nos joueurs pour leur effort.

Patrick Roy

Ceux qui s’attendaient à une foire comme au premier match de Roy derrière le banc de l’Avalanche du Colorado sont sans doute aussi repartis déçus.

Le 2 octobre 2013, l’Avalanche avait corrigé les Ducks d’Anaheim 6-1. En fin de match, Roy s’était mis à enguirlander Corey Perry, avant que l’entraîneur-chef des Ducks, Bruce Boudreau, s’en mêle, ce qui avait mené Roy à carrément plier la bande qui délimitait les bancs des deux équipes.

« Je me rappelle juste qu’on avait réalisé à quel point il prenait ça à cœur », se souvient l’ancien défenseur de l’Avalanche André Benoît, joint par La Presse quelques heures avant le match dimanche. « Quand un coach nous défend comme ça, on veut encore plus jouer pour lui, on sait qu’il va se battre pour nous. »

Jean-Sébastien Giguère, qui était le gardien auxiliaire de l’Avalanche ce soir-là, garde un souvenir identique. « Souvent, dans les équipes de hockey, tu as les coachs et les joueurs, un contre l’autre, rappelle celui qui est maintenant analyste à TVA Sports. Mais lui voulait faire partie des boys, il voulait que les boys lui fassent confiance. Les gars avaient besoin de ça et ils avaient vraiment aimé ça.

« Patrick est un gars émotif. Mais il est vraiment calculé dans ses actions. Il voulait montrer aux gars qu’il était derrière eux, peu importe quoi. Il voulait gagner le respect. On avait une équipe assez fragile, et il voulait prendre la pression sur lui, pour que les gars puissent jouer au hockey. Je ne sais pas s’il va le faire avec les Islanders. Mais avec nous, après le premier match, il avait été plus calme pendant la saison. »

Le hockey a changé, Patrick Roy aussi. Alors dans un match sans grande animosité entre les deux équipes, Roy n’allait évidemment pas se mettre à arracher les bandes simplement pour se montrer solidaire de ses hommes.

Il a néanmoins été animé, particulièrement en première période. Dans un UBS Arena feutré, « on entend juste lui ! », a badiné un collègue sur la passerelle. Roy multipliait les cris, les instructions pendant les changements, les encouragements pendant les arrêts de jeu. Après le but d’Alexander Romanov, qui a donné l’avance 1-0 aux insulaires, il s’est rué vers ses défenseurs au banc pour des explications.

« C’est un peu mon problème dans la vie en général : des fois, je devrais prendre le temps de savourer ! », a lancé Roy, après le match, au confrère de Radio-Canada Marc Antoine Godin. « Mais Pierre Lacroix m’a toujours dit qu’il faut être en avant de la parade. J’essaie de prévoir ce qui va se passer. Mais tu as tout à fait raison : des fois, je devrais prendre le temps. »

PHOTO MARY ALTAFFER, ASSOCIATED PRESS

Patrick Roy

Il reste que son énergie a marqué ses joueurs. « Vous, vous le voyez un peu plus que nous. Nous, on regarde le jeu ! a expliqué Jean-Gabriel Pageau. Mais on l’entend. Il connaît son hockey. S’il pouvait jouer encore, il le ferait. C’est un gamer. Il est intense. C’est positif. Il veut notre bien. »

Il a tellement d’énergie derrière le banc, on dirait qu’il joue le match pour nous. Il est constamment engagé. Il crie des mots d’encouragement, mais aussi des conseils utiles.

Bo Horvat

Matt Martin : « On bloquait des tirs, il criait. On adore ça. Il est pleinement investi. Il apprécie les petites choses que tout le monde fait. Ce n’est pas tout le monde qui peut marquer des buts, mais il reconnaît chaque petite contribution. Ça a un effet. Et il était positif. On a encore perdu une avance, mais au deuxième entracte, il nous a rappelé qu’on était un groupe résilient. Cette confiance nous a ensuite aidés. »

Il reste que, comme on se le demandait en avant-midi en le voyant s’époumoner à l’entraînement, un tel style peut être drainant à la longue. Roy s’est d’ailleurs ajusté en cours de match. En première période, il avait le visage rouge comme l’ancien gérant de lutte Brother Love (cherchez sa photo, ça vaut la peine). En troisième période, il était dans des teintes plus normales. Lors de la première pause publicitaire du match, il a multiplié les instructions aux joueurs. Lors de la dernière pause, avec une égalité de 2-2 avec cinq minutes à jouer, il s’est tu.

Roy a reconnu qu’il a dû se calmer. « À un certain point, je dois laisser les joueurs jouer et être eux-mêmes. Tu veux avoir de l’intensité et la montrer aux joueurs. Ils savent que je suis là pour gagner et que je serai là pour eux.

C’est comme ça que je suis. C’était peut-être pire au début. J’aime être animé, j’aime que les gars sentent que le coach sait où il s’en va, qu’il est alerte dans telle et telle situation. C’est à moi de trouver mon équilibre, de gérer mon intensité.

Patrick Roy

Avant le match, Roy avait prévenu ses troupes. « Il nous a dit qu’il serait peut-être un peu rouillé », a relaté Pageau.

Roy a plaidé coupable après le match. « Je n’ai pas été derrière le banc depuis la Coupe Memorial. Ça va vite ! On a joué contre une équipe extraordinaire, incroyable en transition, la rondelle circule. Mais on a donné 42 tirs, dont 17 sur des revirements. »

Malgré la victoire, Roy sait donc qu’il a du pain sur la planche, qu’il devra gérer les fameux « X et O » s’il veut atteindre son objectif de mener une équipe aussi poreuse défensivement en séries.

Il aura sans doute besoin d’un épisode ou deux d’émotions aussi, un de ces moments qui va fédérer ses troupes. Qui sait si le match à Montréal, jeudi, en sera le théâtre ?

En attendant, on ne s’ennuiera pas à Long Island.

Adieu, la barbe !

La photo d’un Patrick Roy fraîchement rasé, qui accompagnait l’annonce de son embauche par les Islanders, n’est pas passée inaperçue samedi. Roy portait la barbe lors de ses dernières apparitions publiques, mais l’obligation d’être rasé fait partie des nombreuses règles du livre que l’on devine imaginaire de Lou Lamoriello. « J’ai dit aux joueurs que ç’a été une des choses les plus difficiles à partir du moment où j’ai accepté le poste ! », rigolait Roy, devant les caméras, dimanche matin. « Mais quand j’ai rencontré Lou Lamoriello, j’ai été impressionné par l’individu. C’est tellement facile de respecter l’homme, ses valeurs, et de voir son désir de gagner. Finalement, ça n’a pas été si dur que ça de la raser ! »

Un lien avec Bossy

Un collègue de New York a tenté, à tout hasard, une question au sujet de Mike Bossy, possiblement le plus grand joueur de l’histoire de l’équipe avec Denis Potvin. Roy et Bossy n’ont jamais joué ensemble, mais se connaissaient bien puisqu’ils ont été voisins quand Roy portait les couleurs du Canadien. « Sa fille était la gardienne de nos enfants. Un jour, j’étais à un match et un de mes fils s’était coincé la tête entre des barreaux d’escalier. Et il avait dû venir chez moi pour couper les barreaux, pour qu’il puisse se sortir la tête ! a raconté Roy, avant de devenir plus sérieux. C’est tellement triste, sa mort. Il était bon pour TVA, il avait de la passion et il a fait sa marque avec les Islanders. Je suis fier de faire partie de la même organisation que lui. »