(Nashville) Tout le monde rêve de se retrouver dans la position de Simon Nemec, repêché au deuxième rang l’an dernier sans qu’on s’y attende trop. Personne, en revanche, ne veut marcher dans les pas de Shane Wright, qui a glissé au quatrième échelon après avoir été longtemps considéré comme le grand favori.

Il n’y a aucun mystère quant au premier choix de cette cuvée 2023. Seul Connor Bedard, refusant de mettre la charrue devant les bœufs, évite de se décrire comme un membre des Blackhawks de Chicago. Il est néanmoins totalement acquis qu’il sera sélectionné par les Hawks, détenteurs du premier droit de parole mercredi soir à Nashville.

Après lui, le consensus de la dernière année se fragilise. Est-il certain que les Ducks d’Anaheim jetteront leur dévolu sur Adam Fantilli ? Le deuxième rang semble pourtant lui être destiné depuis une éternité.

Or, au récent camp d’évaluation des espoirs, un recruteur de la LNH rencontré par La Presse émettait des réserves. Une autre source se questionnait quant à elle sur son sens du hockey. Rien qui lui vaudrait une glissade fulgurante, mais suffisamment pour remettre en doute son statut d’indiscutable deuxième. Leo Carlsson et Will Smith, joueurs de centre comme Fantilli, pourraient lui damer le pion. Ou pas.

La Presse a profité d’une rencontre de presse avec les principaux espoirs du repêchage de 2023 pour leur demander comment ils géraient les attentes à leur égard, dans un contexte où les spéculateurs les plus enthousiastes amorcent leurs simulations presque deux ans à l’avance.

D’entrée de jeu, une vérité : les repêchages simulés (mock drafts), les jeunes athlètes les voient bel et bien. Et ce, malgré leur volonté de « bloquer le bruit extérieur ».

« Je mentirais si je disais que je n’ai rien vu », a lancé Zach Benson, petit attaquant du Ice de Winnipeg, dans la Ligue junior de l’Ouest. L’agrégateur de classements Hockey Pipeline le place au 6e échelon, mais certaines projections le voient dépasser le 10rang, voire le 15e.

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Zach Benson

« Tout le monde a son opinion, a poursuivi Benson. Un gars dira quelque chose, un autre dira l’opposé. Il faut prendre ces classements avec un grain de sel. On ne peut pas commencer à s’en faire. »

Le moment présent

On ne peut pas… mais ça arrive inévitablement. Surtout lorsque, comme le répètent presque tous les jeunes joueurs, cette journée est planifiée dans leur tête depuis leur plus tendre enfance.

Connor Bedard est attendu là où il est depuis qu’il a pratiquement 12 ans. Pour ce garçon timide, l’arrivée « graduelle » de l’attention sur lui a été bénéfique, a-t-il dit mardi. Pour d’autres, ça a bougé plus vite. Jusqu’à culminer ces jours-ci, à quelques heures du grand soir.

« J’essaie de ne pas trop y penser, a affirmé Will Smith. De toute façon, je ne peux plus rien y faire. Je veux vivre dans le moment présent. On verra ce qui arrivera. »

« C’est fou de penser que c’est demain ! », a abondé Ryan Leonard, son coéquipier dans l’équipe nationale américaine de développement, et potentiellement une cible du Canadien au repêchage.

PHOTO JEFFREY T. BARNES, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Ryan Leonard

« Je ne veux pas avoir des attentes trop élevées, a-t-il poursuivi. Si je glisse, je glisse. Ça ne change rien. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’on fait avec la chance qui nous est offerte après le repêchage. Ça, ça nous revient. »

Adam Fantilli a été celui qui a manifesté le plus de détachement. Les moments de grande fébrilité ne l’ont jamais privé de sommeil, assure-t-il. Son rang de repêchage ne devrait pas faire exception.

Tous les choix qu’il a faits à ce jour par rapport à sa carrière de hockeyeur ont eu comme fil conducteur « ce qui est meilleur pour [son] développement ». Cet Ontarien s’est en effet exilé très jeune aux États-Unis, d’abord dans un collège préparatoire, puis dans la USHL et dans la NCAA.

« Alors je veux aller dans une équipe qui me veut, qui m’offrira le bon fit. Comme tout le monde, j’espère sortir le plus tôt possible. Mais si ce n’est pas le cas, je ne peux pas y faire grand-chose… »

Si un candidat devait perdre des plumes par rapport à son rang projeté, on verra mercredi soir si les bonnes intentions se traduiront par la candeur promise. Ou si, comme Shane Wright en 2022, la marche vers le podium se fera avec un regard glacial.

Avec Guillaume Lefrançois, La Presse

En bref

Le mystère Michkov, la suite

Le public est curieux, les équipes sont curieuses… et les joueurs le sont aussi. Matvei Michkov est vraiment l’ovni de ce repêchage. Comme les joueurs russes n’ont pas participé au récent camp d’évaluation de la LNH et que la Russie est exclue des compétitions internationales depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, personne ne sait grand-chose de Michkov. « J’en sais autant que vous », a avoué Adam Fantilli aux journalistes, une réponse largement reprise par ses pairs. En somme, personne ne le connaît… sinon par ses faits saillants. « Je suis sur TikTok, alors ouais, bien sûr que je les ai vus », a d’ailleurs lancé Will Smith en souriant.

Le chemin de croix de Carlsson

Son arrivée à Nashville, le Suédois Leo Carlsson ne l’a pas volée. D’innombrables vols vers la ville du country ont été annulés, en début de semaine, retardant les plans de plusieurs membres du personnel des équipes, notamment. Carlsson, lui, s’est retrouvé coincé à l’aéroport de Newark, au New Jersey. Sa famille et lui ont donc loué une fourgonnette et parcouru le reste du chemin par voie terrestre, un trajet de 13 heures. Il n’a pas rencontré les membres des médias, mardi matin, mais personne ne lui en tiendra rigueur. « Ce gars-là n’a vraiment pas de chance, s’est amusé Adam Fantilli. À Vegas [en finale de la Coupe Stanley], il a eu un problème avec ses bagages. Je pense qu’il dort en ce moment, pauvre lui… Mais c’est un gars phénoménal, vous aurez beaucoup de plaisir à le rencontrer ! »