(Detroit) Ben Chiarot est amusé en nous racontant l’anecdote. « Les gars l’appellent Newsy, mais personne ne sait que Newsy Lalonde est un ancien du Canadien. Moi, je le sais parce que je voyais sa plaque dans le vestiaire tous les jours ! »

Il aurait pu être surnommé « Pierre », mais dans le monde du hockey, il est plutôt connu comme « Newsy ». C’est Derek Lalonde, nouveau pilote des Red Wings de Detroit. Vendredi, contre le Canadien, 27 ans après avoir fait ses débuts comme adjoint dans un modeste programme de Division III de la NCAA, il dirigera une équipe pour la toute première fois en tant qu’entraîneur-chef dans la Ligue nationale.

Son parcours est fascinant, parce qu’il a franchi pratiquement chaque étape inimaginable qu’un coach puisse faire. Dans l’ordre, voici donc les postes que l’homme de 50 ans a occupés depuis 1995 :

  • entraîneur adjoint en Division III de la NCAA (pour quatre collèges différents) ;
  • entraîneur adjoint en Division I de la NCAA (Ferris State et Denver) ;
  • entraîneur-chef dans l’USHL (Green Bay) ;
  • entraîneur-chef dans l’ECHL (Toledo) ;
  • entraîneur-chef dans la Ligue américaine (Iowa) ;
  • entraîneur adjoint dans la LNH (Tampa).

En ce sens, son parcours est aux antipodes de celui de Martin St-Louis, catapulté du niveau bantam à la LNH sans transition aucune.

« Je suis un entraîneur de carrière. Ma carrière de joueur a pris fin après le collège, a-t-il rappelé, jeudi, après l’entraînement des Red Wings, au Little Caesars Arena. Martin a joué pendant des années. On peut parler de l’inexpérience tant qu’on veut, il va puiser dans son expérience de joueur, mais aussi de membre du Temple de la renommée. Je ne suis pas surpris de la transition qu’il a faite, en raison de qui il est. »

De bons mots partout

Joël Chouinard, ancien choix au repêchage de l’Avalanche, a joué deux ans sous les ordres de Lalonde, à Toledo, de 2014 à 2016. Le Québécois est catégorique.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Joël Chouinard

« C’est le meilleur players’ coach que j’ai eu, martèle-t-il au bout du fil, joint à son domicile de la région de Dallas. Tout le monde voulait jouer pour lui. Des fois, un players’ coach n’a pas tout le respect des gars, parce qu’il est trop chummy avec les joueurs. Mais il a trouvé le juste milieu. »

Quand Lalonde a été embauché à l’été pour succéder à Jeff Blashill, Chouinard lui a envoyé un message texte. Même s’il y a déjà six ans qu’ils ne travaillent plus ensemble. « C’est ça que j’aime de Derek. Dans les deux dernières années, son nom a vraiment monté en flèche. Mais il prend encore la peine de répondre à ses messages. »

David Savard avait lui aussi de bons mots pour Lalonde. Quand il a été échangé des Blue Jackets au Lightning, à la fin de la saison 2021, le défenseur du Tricolore a connu Lalonde.

« Il m’a aidé à me sentir à l’aise dès que je suis arrivé, témoigne-t-il. Son côté humain m’a surpris le plus, la façon qu’il dealait avec les gars. Quand je suis arrivé, il a été super correct avec moi. J’étais le seul nouveau, c’était un peu différent, et tous les jours, il venait me voir pour me demander comment ça allait. »

Quelles chances de succès ?

Il y a autant de parcours qu’il y a d’entraîneurs ; chacun a son histoire bien particulière. De St-Louis à Luke Richardson en passant par Gerard Gallant, on retrouve encore plusieurs anciens joueurs de la LNH.

Par contre, il n’est pas farfelu d’établir des parallèles avec Jon Cooper, un autre qui a gravi les échelons du hockey depuis ses plus modestes niveaux, sans avoir joué à un haut niveau. Et ça tombe bien : c’est sous Cooper, chez le Lightning, que Lalonde a connu sa seule autre expérience dans le circuit Bettman.

« Un joueur de la ligue m’a appelé au cours de l’été et m’a dit : “Derek m’a appelé, on a parlé de toi” », raconte le Québécois David Perron, nouveau venu à Detroit cet automne. « J’avais entendu beaucoup de positif. »

PHOTO JOSE JUAREZ, ASSOCIATED PRESS

David Perron

C’est sa première chance, il a tellement travaillé fort pour se rendre là. Au début d’un camp, les joueurs ont une certaine nervosité pour s’assurer d’un rôle. Mais eux aussi [les entraîneurs] se sentent comme ça. C’est son premier match demain comme entraîneur-chef. C’est un peu mon rôle de faire comprendre ça aux jeunes que tout est nouveau ici. Notre jeu en zone neutre, notre échec-avant, tout est différent de ce qu’on faisait avant. C’est de leur faire comprendre d’avoir confiance dans le système.

David Perron

Comme il arrive de Tampa, Lalonde débarque avec deux bagues de la Coupe Stanley. Deux bonnes raisons pour les joueurs de donner la chance au coureur et d’avoir confiance dans le système.

Avec Simon-Olivier Lorange, La Presse

En bref

Amateur des Expos !

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Tim Raines avec les Expos de Montréal en 1985

Lalonde vient de Brasher Falls, village à quelque 150 km de Montréal, dans le nord de l’État de New York, pas très loin de Cornwall. Sportivement parlant, il a donc grandi dans la zone d’influence de Montréal, et était donc un grand partisan des Expos. Son idole : Tim Raines. « Premier frappeur, ambidextre, volait des buts, énumère-t-il. Dans mon village, quatre personnes détenaient des abonnements de saison aux Expos, donc on faisait des rotations et j’y allais souvent. J’arrivais, je prenais une crème glacée deux boules et je regardais du baseball. » Dans une discussion à bâtons rompus avec les médias montréalais, Lalonde nous a même confié qu’il possédait plusieurs casques miniatures aux couleurs des équipes du baseball majeur, dans lesquels les coupes glacées étaient servies.

De bons mots pour Xhekaj

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Arber Xhekaj

Si Arber Xhekaj ne s’est pas fait d’amis chez les Sénateurs d’Ottawa, le défenseur recrue du Tricolore compte un allié à Detroit en la personne de Ben Chiarot. Les deux colosses viennent de Hamilton et se sont connus au camp 2021, quand Chiarot était toujours membre du CH. « Il est venu me voir au camp l’an passé pour me dire qu’il était un ancien de Bishop Ryan, mon école à Hamilton. On avait donc eu ce lien en partant, a raconté Chiarot. Je l’ai regardé de plus près ensuite, je parlais à Marc Bergevin et à Scott Mellanby, je leur ai dit : “Ce jeune-là sera bon.” » Chiarot a suivi le match Montréal-Toronto de mercredi, le premier de Xhekaj dans la LNH. « Tu peux voir ses outils : il est gros, il patine, il est dur, il réussit des jeux. Il sera bon longtemps à Montréal. »

Partenaire de Seider

PHOTO RICK OSENTOSKI, USA TODAY SPORTS

Ben Chiarot (8) et Moritz Seider (53)

Assez tôt la saison dernière, Chiarot a compris qu’il n’était pas à Montréal pour longtemps. L’état de santé de Carey Price, dont la carrière est maintenant compromise, a évidemment précipité la chute de l’équipe qui avait atteint la finale en 2021. Pour un joueur dans la force de l’âge comme lui, la communauté d’intérêts avec le CH devenait moins évidente. « Tu peux dire Carey, mais aussi Shea Weber et Corey Perry, rappelle Chiarot. Ce sont trois gros morceaux du vestiaire qu’on perdait d’un coup. C’était ma première fois, mais les gens ne réalisent pas à quel point c’est dur de se rendre en finale. Et on a eu combien, six semaines avant de recommencer le camp ? C’était difficile. Mais ça semble reparti dans la bonne direction avec Martin et Kent. » Chiarot ne doit quant à lui pas regretter sa décision de se joindre aux Wings. Son partenaire à la ligne bleue pour commencer la saison est Moritz Seider, gagnant du trophée Calder la saison dernière.